Les procédures engagées par des salariés - et en
particulier par des journalistes - visant à faire requalifier un ou
plusieurs contrat(s) de travail à durée déterminée (CDD) en un contrat à
durée indéterminée (CDI) sont nombreuses.
Il est plus rare que le salarié poursuive, en même temps,
la requalification de son CDD à temps partiel en un CDI à temps complet.
Un contrat de travail à temps partiel doit impérativement
contenir les mentions écrites qui sont prévues par l'article L. 3123-14
du code du travail.
Ce contrat à temps partiel doit notamment indiquer, outre
la durée de travail convenue, la répartition de cette durée "entre les jours de la semaine ou les semaines du mois".
A défaut de telles précisions (ce qui est forcément le
cas d'un contrat non écrit), le contrat est présumé être à temps plein,
soit 35 heures hebdomadaires.
Dans un tel cas, la preuve contraire - c'est-à-dire
l'existence d'un contrat à temps partiel - peut toutefois être rapportée
par l'employeur.
Dans un arrêt du 21 novembre 2012, la Cour de cassation,
reprenant les termes d'une jurisprudence établie au moins depuis 2004, a
été amenée à rappeler à quelles conditions, un employeur peut renverser
cette présomption de contrat de travail à temps plein.
Après avoir rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L.3123-14 du code du travail, "l'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet", la Cour a indiqué que "l'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur".
Si l'employeur n'apporte pas de telles preuves, le contrat
de travail est considéré comme étant à temps plein, ce qui permet au
salarié qui n'a reçu une rémunération que sur la base d'un temps partiel
de prétendre à un rappel de salaires.
Il s'agit alors moins de condamner l'employeur à payer des
salaires non réglés que de le sanctionner pour l'irrégularité formelle
du contrat et sa gestion du temps partiel.
Ces règles sont évidemment également applicables lorsqu'un
ou plusieurs CDD est/sont requalifié(s) en un CDI.
En effet, lorsqu'un CDD est requalifié en un CDI, l'on
considère que la relation de travail était à durée indéterminée depuis
le premier jour du CDD requalifié.
Or, lorsqu'au cours de l'exécution du ou des CDD, le
salarié n'a pas été payé sur la base d'un temps plein, on doit en
déduire que ce CDI était à temps partiel.
Il en résulte que ce salarié est en droit d'invoquer la
présomption de contrat à temps complet évoquée ci-dessus et, dans un tel
cas, il appartient à son employeur, s'il la conteste, de démontrer:
- la durée de travail exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue ;
- que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de
prévoir à quel rythme il devait travailler ;
- qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de son employeur ;
Le secteur de l'audiovisuel, grand utilisateur de contrats
à durée déterminée, est particulièrement concerné par ce risque de
requalification de CDD à temps partiel en CDI à temps plein.
Dans deux arrêts du 9 janvier 2013, la Cour de cassation,
saisie par un monteur et un chef opérateur employés par la Société
FRANCE TELEVISIONS, a ainsi cassé les arrêts qui avaient rejeté leurs
demandes de requalification de leurs nombreux CDD à temps partiel en un
CDI temps plein et de rappels de salaires consécutifs.
Bien évidemment, les journalistes peuvent également prétendre à l'application de ces règles.
La Cour de cassation a ainsi récemment été amenée à
examiner les pourvois formés par quatre journalistes employés par
plusieurs CDD à temps partiel par la Société CANAL PLUS.
Les Cours d'appel de Paris et de Versailles avaient certes
jugé que ces journalistes étaient fondés en leurs demandes de
requalification de leurs CDD en un CDI mais elles avaient rejeté leurs
demandes visant à faire juger qu'il étaient employés par un contrat de
travail à temps plein, estimant que la preuve d'un temps partiel était
rapportée.
Ces arrêts sont cassés par la Cour de cassation dans deux arrêts du 23 mai 2013
Celle-ci reproche aux deux Cours d'appel d'avoir, alors
que les contrats de travail ne respectaient pas les prescriptions
prévues à l'article L. 3123-14 du code du travail, débouté les
journalistes de leurs demandes de requalification des CDD en CDI à temps
plein (et donc de leurs demandes de rappels de salaires) sans avoir
constaté que l'employeur démontrait la durée exacte de travail,
hebdomadaire ou mensuel convenue.
Les Cours d'appel de renvoi (Versailles et Paris) doivent donc rechercher, dans
ces dossiers, si la preuve de la durée exacte de travail convenue est ou
non rapportée, mais également si les 2 autres conditions exigées par la
Cour de cassation sont réunies, c'est-à-dire si les journalistes
avaient la possibilité de prévoir à quel rythme ils devaient travailler
et s'ils ne devaient pas se tenir constamment à la disposition de leur
employeur.
La Cour d'appel de Paris n'a pas encore rendu sa décision mais, par un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour d'appel de Versailles, statuant après cassation, a constaté que la Société CANAL PLUS n'apportait pas aux débats de preuve susceptible de renverser la présomption de temps plein et elle a requalifié le contrat en un contrat à temps plein.
La Cour d'appel de Paris n'a pas encore rendu sa décision mais, par un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour d'appel de Versailles, statuant après cassation, a constaté que la Société CANAL PLUS n'apportait pas aux débats de preuve susceptible de renverser la présomption de temps plein et elle a requalifié le contrat en un contrat à temps plein.
Il est certain que les preuves contraires sont, dans de tels cas, difficiles à apporter.
La Cour d'appel de Versailles a ainsi déjà jugé le 9 avril 2013 que le seul fait qu'une journaliste, rédactrice en chef, ait "effectué des piges pour d'autres journaux ou qu'elle [ait] sa propre entreprise d'édition ne suffit pas à rapporter la preuve qui incombe à [son employeur] que la salariée n'était pas obligée de se tenir à sa disposition de façon permanente".
Elle a par conséquent estimé que le contrat de travail non écrit,
payé à temps partiel, devait être requalifié en un temps complet.
De fait, les piges peuvent être effectuées en dehors d'un temps de
travail ordinaire, le soir ou le week-end par exemple.
Les conséquences financières de la requalification d'un contrat de
travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein peuvent
être élevées, notamment si les journalistes ont été payés pour des temps
de travail très inférieurs à un temps plein.
Le contrat de travail de droit commun est à durée
indéterminée et à temps plein. Celui qui est à la fois à durée
déterminée et à temps partiel cumule donc les risques de
requalification.
Pour limiter ces risques, l'employeur n'a d'autre solution
que de respecter scrupuleusement les règles de recours au CDD mais
aussi de rédiger des contrats de travail conformes aux prescriptions de
l'article L. 3123-14 du code du travail.
Vianney FÉRAUD
Avocat au barreau de Paris
Avocat au barreau de Paris
commentaires
Suis-je concernée ?
Bonjour Maître. J'ai été
pigiste régulière France télé de 1992 à 1997 avec 130 CDD (piges d'un à
plusieurs jours ou CDD d'une semaine à plusieurs mois en région et DOM)
les jours sont indiqués sur mes lettres d'engagement. Pensez-vous que je
puisse demander une requalification en CDI ? Vu que je ne travaillais
quasiment que pour France télé et effectivement à la disposition de
l'employeur comme tous les pigistes ? Merci stchopin@significative.fr
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