Dans le cadre d'une procédure judiciaire, une société
de presse contestait le statut de journaliste professionnel à l'un de ses anciens
rédacteurs qu'elle avait payé à la pige au motif qu'il n'avait pas retiré de cette collaboration sa principale source de revenus,
laquelle provenait de son statut de correspondant permanent d'une radio
nationale.
Le but de cette société de presse était manifestement
de priver cet ancien rédacteur de la présomption légale de salariat qui est
attachée au statut de journaliste professionnel.
La cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 30
novembre 2012, a retenu l'argument de cette société de presse et, pour refuser
de reconnaître le statut de journaliste professionnel à ce journaliste payé à
la pige, a jugé que "si le journaliste professionnel est libre de travailler dans une
ou plusieurs entreprises de presse au sens des dispositions de l'article L
7111-3, encore faut il, pour que soit établie l'existence d'un contrat de
travail, que l'intéressé tire l'essentiel de ses ressources des rémunérations
versées par la publication à l'égard de laquelle il entend invoquer la présomption
de salariat".
La cour d'appel de Douai a donc confirmé le
jugement du conseil de prud'hommes de Lille qui avait débouté ce rédacteur de
l'ensemble de ses demandes au motif qu'il n'était pas salarié.
Une telle jurisprudence était
de nature à priver un journaliste du statut de journaliste professionnel au
seul motif qu'il travaille pour plusieurs sociétés de presse ou agence de
presse, dont aucune ne lui verse plus de la moitié de ses ressources.
Cette position conduisait également
à retenir qu'un rédacteur payé à la pige par deux sociétés de presse pouvait
prétendre au statut de journaliste professionnel dans le cadre de sa
collaboration avec celle qui lui procure 51 % de ses ressources mais qu'il ne
pouvait pas bénéficier de ce statut vis-à-vis de la seconde société au seul
motif qu'elle ne lui verse que 49 % de ses ressources.
Selon l'article L7111-3 du Code du
travail : "est journaliste
professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et
rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de
presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en
tire le principal de ses ressources".
A la lecture de cet texte, on comprend donc que, pour
pouvoir prétendre au statut de journaliste professionnel, l'intéressé doit
démontrer qu'il tire le principal de ses ressources de l'exercice de cette
profession de journaliste et ce au titre de sa ou ses collaboration(s) avec
"une ou
plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou
agences de presse".
Un pourvoi en cassation à l'encontre de la cour
d'appel de Douai du 30 novembre 2012 a été formé.
Fort logiquement, par décision du 14 mai 2014, la Cour
de cassation a, au visa de cet article L7111-3 du Code du travail, cassé l'arrêt
de la cour d'appel de Douai.
Elle juge que "la qualité de journaliste professionnel s'acquiert au regard des
ressources que l'intéressé tire principalement de l'exercice de la profession
de journaliste sans se limiter à celles provenant de l'entreprise de
presse, publication ou agence de presse à laquelle il collabore".
C'est donc bien en fonction
de l'ensemble des ressources tirées de l'activité de journaliste - et non pas
collaboration par collaboration - que doit être appréciée la condition relative aux ressources
posée par l'article L7111-3 du Code du travail.
Cet arrêt de la Cour de
cassation ne peut qu'être approuvé car la Cour d'appel de Douai avait
manifestement ajouté à l'article L7111-3 du Code du travail une condition qu'il ne contient pas.
Dans ce même arrêt du 14 mai
2014, la Cour de cassation rappelle (ce qu'elle est contrainte de faire
régulièrement) que "lorsqu'est
établie l'activité principale, régulière et rétribuée du journaliste
tirant le principal de ses ressources de cette activité, c'est à l'entreprise
de presse de combattre la présomption d'existence d'un contrat de travail en
résultant" et non pas au journaliste professionnel qui bénéfice de
cette présomption légale de salariat d'apporter la preuve de l'existence d'un
lien de subordination.
Il s'agit là de rappeler
quelles sont les conséquences d'une présomption légale sur la charge de la preuve.
C'est à celui qui veut renverser la présomption de salariat attaché au statut
de journaliste professionnel d'apporter la preuve qu'il n'a pas été l'employeur
de ce journaliste.