Un employeur demande à l'un de ses salariés, journaliste
professionnel exerçant les fonctions de rédacteur en chef, d'accomplir
un volume de travail très important.
Le journaliste fait un infarctus.
Le lien entre la quantité anormale de travail et cet accident cardiaque est établi.
La qualification d'accident du travail est donc retenue.
A la suite de son arrêt maladie, la médecine du travail déclare le salarié inapte.
Aucun reclassement ne semble possible dans l'entreprise et l'employeur procède donc au licenciement du journaliste.
Celui-ci conteste ce licenciement qu'il estime abusif.
Le Conseil de prud'hommes dans un jugement du 15 novembre 2010, la
Cour d'appel de Paris dans un arrêt du 1er mars 2013 et enfin la Cour de
cassation dans un arrêt du 29 mai 2013 lui donnent raison.
Il est d'abord fait droit à la demande du salarié au titre des
heures supplémentaires effectuées du fait de la quantité anormale de
travail qui lui était demandée.
Surtout, la Cour d'appel de Paris estime "qu'en raison du comportement fautif de [l'employeur du journaliste ] dans
l'exécution de son contrat de travail, à savoir le volume anormal de
travail donné au salarié et qui a participé de façon déterminante à
l'origine de son inaptitude physique, elle - même reliée par le médecin
du travail à l'accident du travail dont il avait été victime, le
licenciement de celui-ci, fondé sur cette même inaptitude physique est
sans cause réelle et sérieuse".
La Cour de cassation approuve cette solution en rappelant que "l'employeur,
tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection
de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit
en assurer l'effectivité".
Selon la Cour de cassation, puisque le volume anormal de travail
imposé au salarié avait participé de façon déterminante à son inaptitude
consécutive à un accident du travail, le manquement de l'employeur à
cette obligation de résultat était caractérisé et le licenciement du
journaliste était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En d'autres termes, il faut remonter à la cause originaire du
licenciement. Dès lors que ce licenciement était motivé par
l'inaptitude du salarié, laquelle était la conséquence d'un accident du
travail, lequel avait lui-même été en lien avec la quantité anormale de
travail, cette rupture de contrat est abusive.
L'obligation de résultat de l'employeur en matière de santé et de
sécurité des salariés, telle que régulièrement rappelée par la Cour de
cassation depuis 2002, se distingue de la simple obligation de moyens.
L'employeur ne doit pas simplement faire des efforts pour parvenir à
assurer la protection de la santé et de la sécurité de ses salariés
dans le cadre de l'exécution de leurs contrats de travail, il doit
effectivement parvenir à ce résultat. Il ne peut donc pas "bénéficier"
d'un manquement à cette obligation pour justifier valablement d'une
mesure de licenciement.
Ici le manquement de l'employeur envers le journaliste était
particulièrement caractérisé. Le surcroit anormal de travail demandé à
ce rédacteur en chef avait été à l'origine de son accident du travail et
d'ailleurs, dans le cadre d'une procédure engagée en parallèle devant
les juridictions de la sécurité sociale, la faute de cette employeur
avait été qualifiée d'inexcusable.
Mais la même solution peut être retenue en l'absence d'accident du
travail ou de reconnaissance de maladie professionnelle.
Dans un arrêt du 17 janvier 2013, la Cour d'appel a examiné les
demandes d'une journaliste, également licenciée en raison de son
inaptitude physique.
La médecine du travail avait estimé cette journaliste inapte à son
poste en précisant qu'elle présentait un état dépressif dû à une
souffrance au travail.
La Cour d'appel, après avoir rappelé que "qu'un
licenciement pour inaptitude physique doit être déclaré sans cause
réelle et sérieuse dés lors que l'inaptitude est liée au comportement
fautif de l'employeur" estime que la salariée établit que "ses conditions de travail ont eu une attitude causale dans la rupture du contrat de travail".
La rupture du contrat de travail est donc qualifiée de licenciement
abusif et l'employeur est condamné à payer 78.000 euros de
dommages-intérêts à cette journaliste.
De fait, l'employeur qui a manqué à ses obligations de protection de
la santé et de la sécurité de son salarié déclaré, du fait de ce
manquement, inapte n'a, en l'absence de reclassement de ce salarié,
d'autre choix que de s'exposer à être condamné pour licenciement abusif.
Vianney FÉRAUD
Avocat au barreau de Paris
Vianney FÉRAUD
Avocat au barreau de Paris
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