La Commission arbitrale des
journalistes a une compétence limitée.
Cette compétence résulte des
articles L.7112-3 et L.7112-4 aliéna 1er du code du travail qui
disposent :
"Si l'employeur est à
l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être
inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de
collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé
à quinze".
"Lorsque l'ancienneté excède
quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l'indemnité
due".
L'article 44 de Convention collective des journalistes
prévoit également qu'elle est compétente, également pour fixer le montant
de l'indemnité en cas de licenciement du journaliste pour faute
grave.
Cette Commission arbitrale est donc
uniquement amenée à fixer le montant total de l'indemnité de licenciement due
en cas de licenciement d'un journaliste ayant plus de 15 années d'ancienneté au
service du même employeur et/ou (sans condition d'ancienneté) en cas
de licenciement d'un journaliste pour faute grave (cf. cette autre
publication sur ce sujet)
Les décisions qu'elle rend ne sont
pas susceptibles d'appel sauf par le bais d'un appel nullité, notamment lorsqu'elle
statue en dehors de son champ de compétences.
Plusieurs salariés ont pu, à leurs
dépens, le constater.
En octobre 2009, la Société Radio
France Internationale (désormais France Médias Monde) envisageait de licencier
pour motif économique de nombreux salariés.
De ce fait, ainsi que la loi l'y
oblige, cette Société avait élaboré un projet de plan de sauvegarde de
l'emploi.
Ce PSE prévoyait que les salariés
potentiellement concernés par la suppression de leur poste pouvaient se porter
volontaires au départ.
Un tel appel aux départs
volontaires, dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi, est fréquent.
Il vise évidemment à permettre aux salariés qui souhaitent quitter l'entreprise
de partir et, par glissement, à ceux dont le contrat de travail aurait pu
contre leur souhait être rompu de le poursuivre.
Au moins 4 journalistes de la
Société Radio France Internationale, ayant plus de quinze ans d'ancienneté, se
sont ainsi portés volontaires au départ.
Leurs candidatures ayant été
retenues, ils ont conclu avec leur employeur une convention de rupture amiable
pour motif économique.
Ces 4 salariés ont ensuite saisi la
Commission arbitrale des journalistes pour que leur indemnité totale de
congédiement soit fixée.
Cette Commission arbitrale ainsi
saisie a statué sur ces demandes et a alloué aux journalistes des indemnités
complémentaires à celles reçues au moment de la rupture de leurs contrats de
travail.
La Société RFI a ensuite contesté
cette décision et formé un appel nullité. Elle soutenait que la Commission
arbitrale n'était pas compétente pour statuer, les salariés n'ayant pas été
licenciés.
La Cour d'appel de Paris, par
arrêts du 25 juin 2013, a jugé que la Commission arbitrale n'était
effectivement pas compétente au motif que "toute rupture d'un contrat
de travail procédant d'un motif économique n'entraîne pas nécessairement les
effets d'un licenciement".
La Cour d'appel relève "qu'à
cet égard, la rupture amiable d'un contrat de travail pour motif économique
ensuite d'un départ volontaire dans le cadre d'un plan social de sauvegarde de
l'emploi mis en oeuvre après information et consultation du comité
d'entreprise, ne constitue pas une rupture à l'initiative de l'employeur mais
une résiliation amiable du contrat de travail".
Elle en déduit qu'en se déclarant
compétente et en fixant l'indemnité de licenciement due aux salariés, "la
commission arbitrale a méconnu sa compétence en excédant les limites de son
pouvoir juridictionnel".
Par voie de conséquence, elle a
annulé la sentence rendue par la Commission arbitrale.
On apprend pourtant, à la lecture
de cet arrêt que, lors d'une réunion du comité d'entreprise, le représentant de
RFI avait reconnu aux salariés concernés le droit de saisir la Commission
arbitrale des journalistes.
Une telle reconnaissance était
toutefois, pour la Cour d'appel de Paris "indifférente", dès lors
qu'elle étant sans conséquence sur l'étendue du pouvoir juridictionnel de la
commission arbitrale tel que fixée par les dispositions légales.
Cette décision produit de lourdes
conséquences puisque, en pratique, elle prive ces salariés d'une indemnisation
pour leurs années d'ancienneté supérieures à 15 (ils avaient reçu l'indemnité
pour les années antérieures au moment de leur départ de la société).
Ces journalistes - qui ont donc dû
restituer les indemnités allouées par la Commission arbitrale - ont formé un
pourvoi en cassation.
Dans un arrêt du 9 avril 2015, la
Cour de cassation rappelle tout d'abord "qu'il résulte des dispositions
des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail que la saisine de la
commission arbitrale suppose, outre la condition d'une ancienneté excédant
quinze années, une rupture à l'initiative de l'employeur".
Elle constate ensuite que la
rupture du contrat de travail pour motif économique peut "résulter non
seulement d'un licenciement mais aussi d'un départ volontaire dans le cadre
d'un plan de sauvegarde de l'emploi".
Approuvant l'analyse de la Cour
d'appel de Paris selon laquelle le contrat de travail des journalistes
avait fait l'objet d'une résiliation amiable, "ce qui excluait une
rupture à l'initiative de l'employeur", elle en déduit que la
Commission arbitrale des journalistes n'était effectivement pas compétente.
Le pourvoi des journalistes est
donc rejeté et la décision de la Cour d'appel de Paris est confirmée.
La solution arrêtée par la Cour de
cassation dans son arrêt du 9 avril 2015 n'allait pas de soi.
S'il n'est pas contestable qu'une
résiliation du contrat de travail à l'amiable n'est pas une rupture du contrat
à l'initiative du (seul) employeur, c'est tout de même bien ici cet employeur
qui avait pris l'initiative d'une procédure de licenciements collectifs et le
départ volontaire du salarié ne inscrivait dans le cadre du PSE.
D'ailleurs, la rupture amiable du
contrat de travail dans le cadre d'un PSE permet au salarié, bien que
volontaire au départ, de prétendre à une prise en charge par POLE EMPLOI.
Quoi qu'il en soit, cette
jurisprudence risque de dissuader les départs volontaires des journalistes
ayant plus de 15 ans d'ancienneté dans le cadre d'un PSE.
Ils préféreront évidemment attendre
un éventuel licenciement pour motif économique car, dans un tel cas, la
compétence de la Commission arbitrale n'est pas contestable.
Cela étant, cette jurisprudence de
la Cour de cassation n'est pas nouvelle, déjà, dans un arrêt du 9 juillet 2003,
elle avait jugé qu'un journaliste qui s'était porté volontaire à un départ à la
retraite dans le cadre d'un plan social ne pouvait prétendre à l'indemnité de
licenciement prévue pour les journalistes et ce au motif que "si
la rupture du contrat de travail pour un motif économique est soumise, pour sa
mise en oeuvre, aux dispositions sur le licenciement économique en vertu de
l'article L. 321-1, alinéa 2, du Code du travail alors applicable, il n'en
résulte pas que toute rupture d'un contrat de travail procédant d'un motif
économique entraîne les effets d'un licenciement ; que le départ volontaire à
la retraite dans le cadre d'un plan social constitue une rupture à l'initiative
du salarié et n'ouvre pas droit à l'indemnité de congédiement mentionnée à
l'article L. 761-5 susvisé, laquelle n'est due que lorsque le congédiement
provient du fait de l'employeur".
L'alternative consiste à ce que le
PSE prévoit clairement le montant total de l'indemnité versée aux journalistes
ayant plus de 15 ans, volontaires au départ.
En outre, si la Commission
arbitrale des journalistes n'est pas compétente dans un tel cas, on pourrait se
demander si le Conseil de prud'hommes ne le devient pas. Il est probable que
cette juridiction retiendrait sa compétence pour statuer mais qu'elle ne
pourrait pas pour autant, en se subsistant à la Commission arbitrale, allouer
au journaliste une indemnité pour ses années d'ancienneté supérieures à 15 ans.
Il est tout autant probable que cette juridiction se contenterait de vérifier
que les conditions et effets des départs volontaires dans le cadre du PSE ont
été respectés.
Il faut en tout cas retenir que la
Cour de cassation veille au respect par la Commission arbitrale de sa
compétence.
Par exemple, dans un arrêt du 12
octobre 2011, elle avait déjà retenu que cette Commission ne pouvait statuer
pour arrêter le montant total de l'indemnité de licenciement d'un salarié qui,
bien que soumis à la convention collective des journalistes, n'était pas
journaliste (cf. cette autre
publication sur ce sujet).
Même si la Cour de cassation ne s'est
à ce jour pas prononcée sur ce point, on peut facilement imaginer qu'elle
jugerait que la Commission arbitrale n'est pas plus compétente pour déterminer
le montant de l'indemnité dû à un journaliste ayant plus de 15 ans d'ancienneté
dans le cadre d'une rupture conventionnelle de son contrat de travail, dès lors
qu'il ne s'agit pas d'une rupture "à l'initiative de l'employeur".
La validité des ruptures conventionnelles conclues avec un journaliste
ayant plus de 15 ans d'ancienneté est d'ailleurs contestable (cf. cette autre
publication sur ce sujet).
En revanche, la compétence de cette
Commission arbitrale en cas de clause de cession ou de clause de conscience
n'est pas contestable.
En effet, même s'il ne s'agit pas,
dans de tels cas, d'une rupture du contrat "à l'initiative de
l'employeur", l'article L7112-5 du Code du travail prévoit clairement
que : "si la
rupture du contrat de travail survient à l'initiative du journaliste
professionnel, les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 [sur la
compétence de la Commission arbitrale lorsque le journaliste a plus de 15 ans
d'ancienneté] sont
applicables" lorsque cette rupture est motivée par la cession ou par la clause de
conscience.