Au gré des décisions des tribunaux, les droits des
journalistes pigistes sont précisés. Un arrêt rendu par la Cour d'appel de
Paris le 23 juin 2016 a apporté quelques pierres nouvelles à cet édifice, en chantier
permanent depuis des décennies.
Sur le
maintien de salaires pendant les arrêts maladie des salariés payés à la pige
L'article 36 de la convention collective des
journalistes prévoit, sous condition d'ancienneté et dans certaines limites,
qu'un journaliste a droit au maintien de sa rémunération pendant ses arrêts
maladie :
Ancienneté
du journaliste
|
Maintien
du salaire
|
De 6 mois à 1 an
|
pendant 2 mois à
100%
les 2 mois
suivants à 50%
|
Après 1 an
|
pendant 3 mois à
100%
les 3 mois
suivants à 50%
|
Après 5 ans
|
pendant 4 mois à
100%
les 4 mois
suivants à 50%
|
Après 10 ans
|
pendant 5 mois à
100%
les 5 mois
suivants à 50%
|
Au-delà de 15
ans
|
pendant 6 mois à
100%
les 6 mois
suivants à 50%
|
En pratique l'employeur doit compléter le montant des indemnités
journalières versées par la CPAM.
Cet article 36 ne prévoyant aucun délai de carence
alors que les 3 premiers jours de maladie ne sont pas indemnisés par la CPAM le
journaliste est en droit de demander à son employeur le paiement de la totalité
de son salaire au titre de ces 3 premiers jours d'arrêt.
Si l'application de cette garantie de maintien de
salaire ne pose (normalement) pas de difficulté pour les journalistes payés au
temps passé, il n'en est pas de même pour les pigistes.
Dès lors que le pigiste n'est pas censé travailler
certains jours précis et qu'il est payé à la tâche indépendamment du temps passé
à la réaliser, certaines Sociétés de presse considèrent que les périodes
pendant lesquelles ce journaliste est malade ne peuvent pas coïncider avec
celles où il aurait travaillé.
Une Société de presse avait refusé d'appliquer à l'une
de ses journalistes pigistes qui avait été placée en arrêt maladie pendant
plusieurs mois la garantie de maintien de salaires.
Cette Société soutenait que l'article 36
de la Convention collective des journalistes n’a vocation à s’appliquer qu’aux
journalistes permanents qui sont astreints à un temps de travail.
Elle ajoutait que ce texte ne pouvait pas s'appliquer
aux pigistes puisqu'il existe un régime de prévoyance qui leur est propre.
Ces arguments n'ont pas été retenus par
la Cour d'appel de Paris qui, dans son jugement du 23 juin 2016, précise que "si, conformément aux dispositions de
l'article 38 de la convention collective nationale des journalistes, les
pigistes bénéficient d'un régime de prévoyance qui leur est propre , résultant
d'un accord en date du 9 décembre 1975 et qu’a entendu réviser l’accord du 7
novembre 2008, l’article 36 de la convention collective concerne le régime de
sécurité sociale en cas de maladie et accident du travail. Cet article vient
donc compléter le régime de prévoyance pour les pigistes et il s’applique à
ceux-ci en leur qualité de journalistes professionnels comme pour tous les
autres".
Ce n'est donc pas parce qu'il est payé à
la pige qu'un journaliste n'a pas droit au maintien de salaire prévu à l'article
36 de la convention collectives des journalistes.
La base à retenir pour l'application de
cet article 36 est le salaire journalier moyen perçu par le pigiste au cours
des 12 mois qui ont précédé celui de son arrêt maladie.
Sur l'obligation de faire passer les visites médicales
aux pigistes
La société de presse n'avait pas fait passer de visite
médicale à sa pigiste auprès de la médecine du travail, ni au moment de son
embauche ni par la suite.
La Cour d'appel relève dans son arrêt du
23 juin 2016 que l’article 21 de la convention collective des journalistes
rappelle que les visites médicales d’embauche, périodiques et de reprise, sont
obligatoires conformément à la loi.
Aucune distinction n'est faite par ce
texte entre les journalistes payés à la pige et les autres.
La Cour d'appel estime donc que la
Société de presse a manqué à son obligation de sécurité de résultat et qu'elle
a, en l'occurrence, causé un préjudice à
la pigiste celle-ci ayant perdu une chance qu'un diagnostic soit établi antérieurement
à l'accident du travail dont elle a été victime.
La Société a donc été condamnée à verser
la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts à la pigiste (cf. cette autre publication sur ce même sujet)
Sur le droit du journaliste pigiste à percevoir une
indemnité pour occupation de son domicile
Rares sont les journalistes payés à la pige qui
travaillent dans un local mis à leur disposition par leur employeur.
La Cour d'appel de Paris avait été saisie par une
journaliste culinaire payée à la pige.
Celle-ci exposait que n'ayant pas de local mis à sa disposition par son
employeur, elle avait dû affecter une partie de son domicile (bureau et
cuisine) à son activité professionnelle et y stocker une documentation
importante.
Elle soutenait qu'elle avait, de ce
fait, droit à être indemnisée et
invoquait pour cela les termes de l’article 53 de la convention
collective des journalistes selon lesquelles "lorsqu’un journaliste professionnel met un local lui appartenant
ou dont il est locataire à la disposition de l'entreprise (en France ou à
l'étranger), il doit recevoir un dédommagement".
Dans son, arrêt du 23 juin 2016, la Cour d'appel de Paris a fait droit à
cette demande.
Elle relève en particulier que la
journaliste pigiste devait réaliser des recettes et que la société de presse ne
prouve pas qu’un laboratoire de cuisine était disponible dans ses propres
locaux pour cet usage.
Au visa de cet article 53 de la
convention collective des journalistes, du fait de l'utilisation par la
journaliste payée à la pige de sa cuisine et de sa bibliothèque, "toutes causes de dépenses confondues
en fourniture de fluides et énergie, loyer et amortissement des matériels et
équipements", la Société de presse a été condamnée à lui verser une
indemnité de plus de 17000 euros au titre de 3 années d'occupation de son
domicile.
Cette décision complète la jurisprudence
déjà établie sur ce point (cf. cette autre page sur ce sujet)
Avocat au barreau de Paris
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