12 sept. 2007

Pigiste régulier - pigiste permanent : un salarié sous contrat à durée indéterminée

L'usage répandu dans les entreprises de presse est de considérer que les pigistes (journalistes ou assimilés) ne sont employés ni par contrat à durée déterminée, ni par contrat à durée indéterminée.

 

Payés à la tâche, il est même parfois soutenu qu'ils ne devraient pas pouvoir prétendre au statut de salarié.

 

Pourtant, il a été jugé depuis longtemps qu'il fallait distinguer le pigiste occasionnel du "pigiste régulier" (on utilise même parfois l'expression de "pigiste permanent"). Le premier, malgré la présomption de salariat dont jouissent les journalistes et assimilés, est effectivement parfois considéré (y compris par les tribunaux) comme un travailleur indépendant. En revanche, il est peu contestable que le second soit un salarié.

 

L'intérêt de cette distinction n'est évidemment pas que théorique.

 

En fonction de la régularité et de la durée de sa collaboration, le pigiste devenu régulier pourra en effet se voir reconnaître, notamment au moment de la fin de la collaboration avec l'entreprise de presse, les mêmes droits qu'un salarié employé sous contrat à durée indéterminée.

 

Si le pigiste est jugé "régulier", les tribunaux seront donc amenés à appliquer non seulement la Convention collective des journalistes mais également les règles du Code du travail (celles du droit commun, conformément aux dispositions de l'article L7111-1 du Code du travail, et celles spécifiques aux journalistes).

 

Il pourra ainsi notamment prétendre à une indemnité de licenciement, un préavis... 

 

Les conséquences pour l'employeur qui aurait considéré le pigiste régulier comme un simple pigiste occasionnel peuvent s'avérer extrêmement lourdes.

 

Un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2006 en est une bonne illustration (n° 05-41773).

 

Pendant plusieurs années, une Société confie assez régulièrement des piges à un journaliste.

 

Un jour, elle arrête totalement de faire appel à ce pigiste.

 

Rien ne se passe pendant 18 mois mais, après ce délai, le pigiste prend acte de la rupture de son contrat de travail et saisit la juridiction prud'homale.

 

La Cour d'appel de Paris puis la Cour de cassation jugent que, compte tenu d'une certaine régularité des piges qui lui ont été confiées, le pigiste et son employeur étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée.

 

Partant, tant que ce contrat n'était pas rompu, l'employeur était tenu de fournir du travail à son salarié et en tout cas de lui verser une rémunération.

 

En ne le faisant pas pendant 18 mois, l'entreprise de presse a commis une faute qui justifie la demande du salarié de lui voir imputer la cause de la rupture du contrat de travail. Une telle rupture ne peut s'analyser que comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse permettant au salarié de prétendre à des dommages-intérêts, à une indemnité de préavis et à une indemnité conventionnelle de licenciement.

 

Mais la Cour de cassation juge que le salarié est également bien fondé à réclamer à son ancien employeur un arriéré de salaire pour la période comprise entre la date de la dernière pige et celle de la prise d'acte de la rupture. La Cour estime en effet que, faute de rupture du contrat de travail, le salarié est resté" à la disposition de son employeur" pendant toute cette période.

 

Même s'il n'a plus accompli aucun travail pour cet employeur, le pigiste va donc percevoir un rappel de salaire pour les 18 mois qui se sont écoulés entre sa dernière pige et la date de sa prise d'acte de la rupture, le montant de ce salaire mensuel étant ici égal à la moyenne des salaires versés au cours des 24 derniers mois qui ont précédé la dernière pige.

 

Pour éviter cette sanction, l'employeur aurait dû clairement notifier au salarié la fin de leur relation contractuelle et non pas le laisser la deviner.




commentaires

Question

  • Par Jean-Paul le 17/11/10
Vous dites : "Si le pigiste est jugé "régulier" "

En sait-on plus sur les critères de ''régularité'' ? Car le noeud du problème est là.

Cela peut signifier que la travail à la pige n'est qu'une illusion. Que travailler deux fois = avoir un CDI.

RE: Question

  • Par Vianney. FERAID le 17/11/10
    (mis à jour le 16/12/10)

Aucune réponse précise ne peut être apportée à votre question car les critères permettant de distinguer, avec certitude, une collaboration régulière d'une collaboration occasionnelle ne sont pas fixés.

Pourun début de réponse, je me permets de vous renvoyer vers cette page 




Piges réduites/indemnité

  • Par Valentin le 16/12/10
Bonjour,

Qu'en est-il lorsque les piges sont soudainement réduites de moitié, voire des deux tiers, après une collaboration régulière de 8 ans sur un nombre de pages précis?

Le journaliste peut-il prétendre à une indemnité?

Cordialement, et avec mes remerciements. 

RE: Piges réduites/indemnité

  • Par Vianney FERAUD  le 16/12/10
Je me permets de vous renvoyer vers cette page :


baisse de piges

  • Par BERTTAU Luc le 02/02/11
Pigiste "régulier" depuis 15 ans, je suis en début de procédure au prud'hommes avec mon employeur principal pour baisse progressive de volume de piges. Mon dossier me semble solide, sauf sur un point.
La convention collective des journalistes, article 7, stipule que j'aurais dû informer mon employeur que je travaillais pour d'autres journaux, toujours en tant que pigiste .N'ayant jamais fait cette démarche, quelle est la portée de cet oubli dans la procédure.
A noter que depuis un an, l'un de ces journaux est devenu mon employeur principal, mais sans affecter ma disponibilité pour l'employeur que je poursuis.

RE: baisse de piges

  • Par Vianney FERAUD  le 02/02/11

Votre message dépasse le simple "commentaire" auquel cet espace est normalement destiné. Je ne peux ici réaliser des consultations personnalisées.

Cela étant, il ne me semble pas que le non-respect des obligations de l'article 7 de la convention collective puisse, à lui seul, constituer une excuse valable justifiant une baisse du volume des piges qui serait jugée fautive.

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