A défaut de statut légal des
journalistes ou assimilés payés à la pige, la jurisprudence a depuis
longtemps indiqué qu'il fallait distinguer les pigistes réguliers (ou
pigistes permanents) des pigistes occasionnels (ou pigistes
temporaires).
Cette distinction a des conséquences pratiques importantes.
Le pigiste régulier peut se considérer comme titulaire d'un
contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc. 16 sept. 2009 ou
encore Cass. soc 6 juill. 2011) et prétendre, en cas de licenciement ou
de démission légitime, à des indemnités de rupture.
En revanche, le journaliste pigiste employé de façon
occasionnelle ne bénéficie ni de garantie d'un certain niveau de
rémunération ni d'indemnisation en cas de rupture de la collaboration. (Cf. cette autre publication sur ce sujet)
On mesure ainsi l'intérêt qu'il y a à distinguer le pigiste régulier du pigiste occasionnel.
Toutefois, en pratique cette distinction est parfois difficile à effectuer.
Selon la Cour de cassation :
"si en principe une entreprise de presse n'a pas l'obligation de
procurer du travail au journaliste pigiste occasionnel, il n'en est pas
de même si, en fournissant régulièrement du travail à ce journaliste
pendant une longue période, elle a fait de ce dernier, même rémunéré à
la pige, un collaborateur régulier auquel l'entreprise est tenue de
fournir du travail" (Cass. soc. 1er fév. 2000 et Cass. soc 30 juin 2009).
Les critères permettant de distinguer un pigiste régulier
d'un pigiste occasionnel sont donc la durée et la régularité de la
collaboration.
Personne ne sait toutefois, avec précision, à partir de
quelle durée et selon quelle régularité des piges, on peut (et on doit)
considérer que le journaliste est un "pigiste régulier".
Il appartient donc aux juges du fond (c'est-à-dire aux
Conseils de prud'hommes et aux Cours d'appel) de se prononcer.
La Cour d'appel de Paris a été amenée, dans un arrêt du
10 juin 2010, à examiner le cas d'un journaliste pigiste qui, après
avoir collaboré en qualité de journaliste payé à la pige pendant 26 mois
avec une entreprise de presse, s'était ensuite systématiquement vu
refuser ses articles.
En première instance, le Conseil de prud'hommes de Paris avait jugé que les parties avaient été liées par un "contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel non fixe"
et condamné l'employeur à payer au pigiste, une indemnité compensatrice
de préavis, une indemnité de licenciement, une indemnité pour
licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Insatisfait des montants qui lui avaient été alloués par
ce Conseil de prud'hommes, le journaliste avait interjeté appel.
La Société presse, de son côté, soutenait que le pigiste
n'avait pas été un collaborateur régulier du journal.
Dans son arrêt, la Cour d'appel constate tout d'abord que sur les 26 mois "servant à la qualification de la nature de la collaboration", le journaliste
"n'a en fait réalisé régulièrement et consécutivement des piges pour la
société que pendant une période de neuf mois".
Au surplus, la Cour observe que, même s'il justifiait de
bulletins de salaire, le journaliste n'avait, en fait, pas du tout
travaillé certains mois puisque, comme cela est assez fréquent, il y
avait un décalage entre la date de remise des articles et la date de
paiement des piges.
La Cour déduit de ses constatations que le journaliste ne peut "se prévaloir d'une régularité et d'une permanence de collaboration" avec son employeur, "il n'a en fait été que pigiste occasionnel sur une durée limitée", la Société de presse n'ayant en conséquence pas "contracté à son égard l'obligation de lui fournir un travail régulier".
Puisque ce journaliste ne peut "se voir reconnaître la qualité de pigiste régulier" il ne peut prétendre bénéficier des "droits qui s'attachent à un contrat à durée indéterminée".
Le jugement de première instance est ainsi infirmé en
totalité et le journaliste est condamné à restituer à la Société de
presse les sommes qu'il avait d'ores et déjà perçues en exécution de
celui-ci.
La Cour d'appel de Paris semble donc s'être ici moins
attachée à la durée de la relation de travail (26 mois tout de même)
qu'à l'absence de régularité de cette collaboration pour considérer que
le journaliste pigiste ne pouvait être considéré comme "régulier".
Reste en suspens une question, a priori non posée à la
Cour. Si une pige occasionnelle n'est pas un contrat de travail à durée
indéterminée quelle doit être sa qualification juridique ?
Rien, en droit, ne semble pouvoir justifier que l'on
retienne qu'il s'agit d'un contrat de travail temporaire, renouvelable
sans limite et prenant fin, sans indemnité, par la seule réalisation de
la tâche confiée au pigiste.
Ce qui a été refusé au pigiste par la Cour d'appel de
Paris du fait de l'absence de régularité de sa collaboration aurait
probablement pu lui être accordé sur d'autres fondements juridiques
permettant de considérer que la relation de travail était à durée
indéterminée.
CDDU et journaliste
Bonjour,
Mon
employeur me propose un CDDU. Je suis journaliste dans l'audiovisuel
public. J'ai pu lire que ce type de contrat ne s'appliquait pas aux
journalistes, dans le guide de la pige. Pourtant, l'avenant audiovisuel
de la CCNTJ fait référence, à l'article 17, au décret du 26 février 1986
qui dit que l'audiovisuel peut bénéficier des CDDU. Qui croire Maître ?
Merci.
Cordialement,
Marielle
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