Les règles applicables au licenciement économique d'un journaliste (ou assimilé relevant de la Convention collective des journalistes) ne différent pas de celles du droit commun.
A l'exception notable du montant de l'indemnité de licenciement (un mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté dans la limite de 15 ans et sur décision de la Commission arbitrale des journalistes au-delà de 15 ans d'ancienneté) et de la durée du préavis (1 mois pour une ancienneté inférieure à deux ans et 2 mois après 2 ans d'ancienneté y compris pour les cadres) ce sont donc les règles classiques du licenciement économique qui doivent être respectées.
L'employeur qui envisage de licencier un journaliste pour un motif économique doit évidemment pouvoir justifier d'un motif économique au sens de la loi et de la jurisprudence.
Un licenciement pour un motif économique peut-être prononcé en raison des difficultés économiques, au sens strict, rencontrées par l'employeur, mais également en raison de mutations technologiques, de la nécessité de réorganiser l'entreprise pour en sauvegarder sa compétitivité, d'un refus du salarié d'accepter la modification de son contrat de travail qui, déjà pour un motif économique, lui a été proposée...
Selon l'article L1233-3 du Code du travail, le motif économique est, par opposition au motif personnel, celui qui n'est pas inhérent à la personne du salarié.
Si le motif économique invoqué n'est pas réel et sérieux, le licenciement sera jugé comme étant abusif ce qui permet au salarié licencié de prétendre à une indemnisation.
Avant d'engager la procédure de licenciement, l'employeur doit d'abord chercher à reclasser le salarié sur un autre poste au sein de la Société elle-même (dans tous ses établissements) mais également au sein des autres sociétés du groupe auquel il appartient et dont les activités permettent d'envisager ce reclassement. Cette recherche doit même, le cas échéant, être faite dans les Sociétés du groupe situées à l'étranger.
Cette obligation est impérative et, en l'absence de tentative de reclassement, le licenciement du journaliste est sans cause réelle ni sérieuse et ce même si les motifs invoqués pour procéder au licenciement sont parfaitement avérés et justifiés.
C'est ce qu'a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 11 avril 2008 (n° 06-46375). Après avoir relevé que l'employeur d'une journaliste licenciée pour un motif économique "ne justifiait pas avoir cherché à reclasser la salariée" avant de la licencier, la Cour a approuvé la décision d'une Cour d'appel qui avait considéré que, de ce seul fait, le licenciement était abusif.
L'employeur doit par ailleurs respecter un certain nombre de critères objectifs pour déterminer quels sont les journalistes qui doivent être licenciés. C'est la règle dite de l'ordre des licenciements.
L'employeur doit faire connaître au salarié licencié qui le lui demande quels sont les critères qu'il a retenus pour arrêter l'ordre des licenciements. Si cette règle n'a pas été respectée le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts.
Enfin, l'employeur doit rédiger avec beaucoup d'attention la lettre de licenciement pour motif économique. Celle-ci doit être suffisamment motivée et précise. Elle doit également indiquer au salarié qu'il dispose d'une priorité de réembauchage.
La Cour de cassation a jugé que si la lettre de licenciement adressée à un journaliste ne mentionnait pas "celle des raisons économiques prévues par la loi invoquée par l'employeur et son incidence sur l'emploi ou le contrat de travail" de ce salarié, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. 29 sep. 2009 n°08-43487).
Il faut donc que l'employeur indique expressément dans la lettre de licenciement non seulement quels sont les motifs économiques à l'origine de sa décision mais également qu'il précise, dans ce même courrier, en quoi l'emploi du salarié licencié est concerné par ces motifs économiques. A défaut le licenciement serait abusif et ce, là encore, même si dans les faits il existait bien un motif économique réel et sérieux de licencier le salarié.
Le respect du formalisme du licenciement pour motif économique est donc aussi important que la cause du licenciement elle-même.
La lettre de licenciement doit également préciser au salarié qu'il a la possibilité de bénéficier d'une priorité de réembauchage à condition qu'il en fasse la demande (dans un délai d'un an suivant le licenciement).
L'omission de cette mention est sanctionnée par la condamnation de l'employeur à verser des dommages-intérêts au salarié.
Si, en raison de cette omission, le salarié n'a pu bénéficier de la priorité de réembauchage alors qu'un poste compatible avec ses fonctions s'était trouvé disponible une indemnité au moins égale à deux mois de salaire devra lui être versée (cf. autre publication sur la violation de la priorité de réembauchage).
Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris
Publié le 19/10/09
3 commentaires
- licenciment par kammoun il y a 2 ans
- Journaliste et rupture conventionnelle par elmoko@free.fr il y a 4 mois
- RE: Journaliste et rupture conventionnelle par vianney.feraud il y a 4 mois
je suis journaliste je travaille pour le compte d'un média italienne comme correspondant en Tunisie apures 5ans j'ai ete licencie pour cause économique et je n'est aucun indimite.
Dans le cadre d'un licenciement économique, le journaliste qui a 20 ans d'ancienneté, perçoit l'indemnité de licenciement (un mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté dans la limite de 15 ans et sur décision de la Commission arbitrale des journalistes au-delà de 15 ans d'ancienneté) mais quel sera son indemnité dans le cadre d'une rupture conventionnelle (pour une situation économique dégradée de son entreprise de presse) ? Sera-t-elle calculée de la même manière que dans le cas d'un licemciement économique ? Cette situation a-t-elle vu naître déjà une jurisprudence ?
Je vous invite à consulter sur ce sujet, les commentaires en bas de cette page :
Il y a désormais de la jurisprudence sur ce sujet. Cela fera d'ailleurs l'objet de mon prochain billet sur ce blog.
Le 10/01/14
Cf. ce billet ici :
Bonjour, je suis salariée en CDI depuis 2012 d'une agence de presse qui est en redressement judiciaire. En cas de licenciement décidé dans le cadre du plan de redressement (c'est-à-dire si l'entreprise évite la liquidation), s'agit-il d'un licenciement économique ? quel est le montant légal de l'indemnité ? obligatoirement un mois par année d'ancienneté, ou cela peut-il être moins ? est-on assuré de percevoir cette indemnité ? La loi travail change-t-elle des choses concernant ce cas de figure. Cordialement
RépondreSupprimerEn cas de licenciement décidé dans le cadre du plan de redressement (c'est-à-dire si l'entreprise évite la liquidation), s'agit-il d'un licenciement économique ?
RépondreSupprimerSi le motif du licenciement est économique (ce qui est généralement le cas après un redressement judiciaire) , le licenciement est effectivement économique.
quel est le montant légal de l'indemnité ? obligatoirement un mois par année d'ancienneté, ou cela peut-il être moins ?
Sur ce sujet, je vous invite à lire cette page :
http://vianney-feraud-avocat.blogspot.fr/2016/04/indemnite-de-licenciement-et.html
est-on assuré de percevoir cette indemnité ?
Si c'est l'AGS qui paye les indemnités, sa garantie est plafonnée à 2 PASS, soit 78456 en 2017.
La loi travail change-t-elle des choses concernant ce cas de figure.
Depuis le 1er décembre 2016, 2 nouveaux motifs économiques justifiant un licenciement sont prévus par la loi.
Bonjour Maître, merci pour votre réponse. Si je comprends bien, depuis la décision de la cour de cassation (avril 2016), les journalistes d'agence de presse perçoivent en cas de licenciement ECONOMIQUE, 1/5 de salaire par année d'ancienneté ? si c'est le cas, cette jurisprudence s'applique-t-elle à toutes les agences de presse ? Nous sommes salariés d'une agence de presse AUDIOVISUELLE. Merci beaucoup. Cordialement
RépondreSupprimerC'est ce que semble dire la Cour de cassation dans son arrêt du 13 avril 2016. La loi ne fait elle pas de distinction entre agence de presse et société de presse lorsqu'il s'agit de déterminer l'indemnité de licenciement des journalistes.
RépondreSupprimerMerci encore pour vos réponses. Notre agence de presse va très vite procéder à des licenciements éco dans le cas de ce redressement judiciaire. Notre patron a bien noté la jurisprudence d'avril 2016. pensez vous que nous avons une chance d'obtenir des conditions de licenciements identiques à celles des autres journalistes ou est-ce joué d'avance ? 3 autres journalistes de l'agence ont été licenciés économiques en 2014 et 2015, ils avaient touché un mois de salaire par année d'ancienneté... est-il possible d'avoir des traitements différents au sein de la même entre entreprise ? mille mercis
SupprimerLa jurisprudence de la Cour de cassation n'est pas forcément définitive (les revirements de jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation sont fréquents). L'interprétation qu'a faite la Cour de cassation des articles L7112-2 et L711-3 du Code du travail dans son arrêt du 13 avril 2016 est critiquable. D'ailleurs, la Cour d'appel de Versailles dans un arrêt postérieur n'a pas suivi cette jurisprudence et a accordé une indemnité de licenciement d'un mois par année d'ancienneté à un journaliste qui était employé par une agence de presse.
RépondreSupprimerBonjour, notre agence de presse (en redressement depuis janvier) a choisi de licencier pour motif éco ses 7 salariés, soit tout l'effectif. nous venons de recevoir nos convocations aux entretiens de licenciement.
SupprimerAvant cela, la direction a dénoncé l'accord de temps de travail (22 rtt), nous a demandé une baisse de salaire (refus de nous sept).
L'admnistrateur et notre employeur ont eu une réunion avec le représentant des salariés pour exposer le projet de réorganisation : causes des difficultés économiques, économies nécessaires, licenciements envisagés.
Lors de cette réunion le représentant des salariés a contesté certains éléments avancés, a fait part d'un manque de management et d'erreurs de la direction. Ses remarques ont été notées dans le compte-rendu de la réunion. En revanche, il lui a été demandé de cocher une case à chaque chapitre : avis favorable, défavorable ou sans avis. Dans presque tous les cas (sauf pour le montant des indemnités), il a coché avis favorable ou sans avis.
Je pense qu'avoir coché ces cases là, est une erreur. Est-ce le cas ? Le juge commissaire a-t-il par conséquent considéré que les choix de la direction étaient approuvés par le personnel, malgré les remarques écrites ?
L'ordonnance du juge-commissaire autorise les 7 licenciements. Elle reprend les arguments de notre direction et quasiment aucune de nos remarques.
Un délai de 10 jours est prévu pour engager un recours. Il nous reste un jour car nous n'avions pas tous vu ce document...
Doit-on engager un recours contre l'ordonnance du juge autorisant les licenciements ? Si on le fait quels sont les effets ? suspension de la procédure des licenciements engagés ? Si on ne le fait pas est-ce que cela nous prive de nos droits de contester ensuite devant les prudhommes le bien fondé de notre licenciement ?
Merci beaucoup de votre attention...
Bien à vous
Bonjour,
RépondreSupprimerJ'ai un doute concernant le licenciement économique. Comment fonctionne le CSP et les piges a la journée.? Car la pige reste le moyen le plus efficace pour retrouver une place et il me semble que ce n'est pas super conciliable avec le CSP. Je n'arrive pas à trouver d'information fiable sur le sujet. Peut-être avez-vous un texte existant ou que décision. Merci par avance.
Il est forcément difficile de concilier le CSP (qui n'est pas très souple) avec des piges. En cas de cumul vous risquez donc de "basculer" vers l'ARE.
RépondreSupprimerIl est difficile - pour ne pas dire impossible - de répondre à vos questions sans avoir plus d'informations. Chacun des salariés gardera la possibilité de contester son licenciement même s'il a été autorisé par le juge commissaire. L'avis - positif ou négatif - du représentant des salariés n'a généralement que peu d'incidences sur la décision de ce juge.
RépondreSupprimerMerci pour votre réponse. Il n'y a pas eu, à votre connaissance, de nouveau concernant la jurisprudence de la cour de cassation concernant les indemnités de licenciement des journalistes d'agence de presse ? nous allons certainement engager une procédure pour tenter d'obtenir les mêmes indemnités que les autres journalistes... Bien à vous
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerNon, à ma connaissance, la Cour de cassation ne s'est pas de nouveau prononcée sur ce point.
RépondreSupprimerBonjour M. Feraud,
RépondreSupprimerJ'ai été pigiste pendant 3 mois consécutifs (dès sa création) pour un journal qui a déposé le bilan et a procédé aux licenciements économiques de tous les journalistes.
Suis-je éligible au licenciement économique ?
(le mandataire judiciaire ne répond pas à mes relances ayant éludé la question en disant que c'est le directeur d'alors qui a donné les noms des journalistes qui relevaient du licenciement éco).
Par avance, je vous remercie
Il m'est difficile de répondre à cette question sans avoir plus d’informations.
RépondreSupprimerSi on considère que vous étiez employé sous contrat de travail à durée indéterminée alors vous auriez effectivement dû être licencié.
Merci. j'étais pigiste durant toute la courte période du titre, avec feuille de salaire sur 3 mois (mais pas de CDD ou CDI)
RépondreSupprimerbonjour, licenciée économique après une liquidation de société de presse, j'ai perçu une indemnité correspondant à 15 années d'ancienneté. J'ai lancé une saisine pour les 13 années supplémentaires. Quelle est la position de l'AGS habituellement ? Merci
RépondreSupprimerL' AGS n'intervient en général pas dans la procédure de fixation de l'indemnité de licenciement
RépondreSupprimer