Seuls peuvent prétendre à
l'application des règles spécifiques du Code du travail consacrées aux
journalistes et à celles de la convention collective nationale des
journalistes, les salariés qui sont des "journalistes professionnels".
Il est pourtant difficile de définir le journaliste professionnel.
Il n'existe ni diplôme ni démarche permettant de prétendre assurément à cette qualité.
Certains cursus sont "reconnus" par la profession (cf. notamment
l'avenant n° 12 à la convention collective des journalistes du 6 juin
2007) mais la possession d'un "diplôme reconnu" est sans effet lorsqu'il
s'agit de rechercher si une personne est ou non journaliste
professionnel. On peut en effet être journaliste professionnel ou
assimilé sans détenir le moindre diplôme et, évidemment, être titulaire
d'un diplôme, même reconnu par la profession, sans être journaliste
professionnel.
La détention de la carte de presse, bien qu'officiellement
intitulée "carte d'identité professionnelle" et qui selon les termes de
l'article R7111-1 du Code du travail "ne peut être délivrée qu'aux
personnes qui (...) sont journalistes professionnels ou sont assimilées à
des journalistes professionnels", ne suffit pas non plus pour prétendre être un journaliste professionnel (cf. cette autre publication sur ce sujet)
En réalité, journaliste professionnel est moins une profession qu'un statut.
Ce statut est défini d'abord par l'article L7111-3 du Code du travail qui dispose en son premier alinéa qu' "est
journaliste professionnel toute personne qui a pour activité
principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une
ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et
périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses
ressources".
La convention collective des journalistes précise quant à elle,
en reprenant les termes de l'ancien article L. 761-2 du code du travail
et ceux de l'article 93 de la loi du 29 juillet 1982 (abrogé), que : "Le
journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale,
régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou
plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou
plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de
communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses
ressources".
Quant à l'article L7111-5 du Code du travail, il dispose que "les
journalistes exerçant leur profession dans une ou plusieurs entreprises
de communication au public par voie électronique ont la qualité de
journaliste professionnel".
Même s'il existe, depuis la récente recodification du Code du
travail, une différence de rédaction entre la définition du journaliste
professionnel donnée par la loi et celle de la convention collective des
journalistes (notamment en raison de la référence, plutôt floue, à
"l'entreprise de presse" par le Code du travail), ces textes posent tout
de même assez clairement les 4 conditions qui doivent cumulativement
être remplies pour prétendre au statut de journaliste professionnel :
1/ Le journaliste professionnel doit effectivement exercer la
profession de journaliste. Cela peut sembler une évidence mais on doit
comprendre que ce statut n'est pas accordé "une fois pour toutes" et
qu'il peut donc être perdu si la personne n'a plus d'activité
journalistique. Surtout, cette personne doit avoir une activité qui
relève effectivement du journalisme, c'est-à-dire, selon la
jurisprudence (car cette activité n'est définie ni par le Code du
travail, ni par la convention collective) liée à l'actualité et à
l'information du public.
2/ Cette activité doit s'exercer dans une ou plusieurs entreprise
de presse, presse périodique ou agence de presse. Il existe sur ce
point une divergence entre le Conseil d'état et la Cour de cassation. Le
premier considère que peut être journaliste professionnel (et donc se
voir attribuer la carte de presse) un salarié qui participe à une
publication éditée par son employeur et ce indépendamment de l'activité
principale de celui-ci (c'est ainsi que, par exemple, un rédacteur du
journal distribué par la SNCF à ses clients s'est vu reconnaître le
statut de journaliste par le Conseil d'état dans un arrêt du 30 juin
1997). En revanche, la Cour de cassation exige elle que le ou les
employeur(s) du salarié soi(en)t effectivement "une ou plusieurs
entreprise(s) de presse, publications quotidiennes et périodiques ou
agence(s) de presse" et aient une telle activité à titre principal.
Dans un arrêt du 6 juillet 2011, la Cour de cassation a par
exemple jugé qu'un salarié d'une entreprise dont l'activité principale
est la publicité, ne peut, de ce fait, revendiquer le statut de
journaliste professionnel (cf.
toutefois cette publication sur l'évolution de la jurisprudence de la
Cour de cassation sur ce point, notamment dans un arrêt du 25 septembre
2013).
En revanche, dans un arrêt du 5 avril 2012, la Cour d'appel de Paris a
reconnu le statut de journaliste professionnel à un salarié, tout en
relevant pourtant expressément que son employeur n'était "pas une entreprise de presse ni une agence de presse".
3/ Cette activité journalistique doit être "principale",
c'est-à-dire qu'elle ne peut être l'accessoire d'une autre profession.
Cette condition laisse penser que ne pourront prétendre au statut de
journaliste ceux qui n'apportent qu'une collaboration occasionnelle à un
organe de presse.
4/ Cette activité journalistique doit être rémunérée et procurer
au salarié l'essentiel de ses revenus, c'est-à-dire au moins la moitié. (cf.
par exemple le cas d'une avocate qui avait également une activité
régulière journalistique pour un magazine mais qui n'en tirait pas
l'essentiel de ses revenus).
Celui que ne tire pas l'essentiel de ses ressources de ses activités journalistiques ne peut prétendre au statut de journaliste professionnel et au bénéfice de la présomption de salariat prévue à l'article L. 7112-1 du code du travail.
Celui que ne tire pas l'essentiel de ses ressources de ses activités journalistiques ne peut prétendre au statut de journaliste professionnel et au bénéfice de la présomption de salariat prévue à l'article L. 7112-1 du code du travail.
Évidemment, l'application de l'article L7111-3 du Code du travail
et de l'article 1er de la convention collective des journalistes,
définissant ce qu'est un journaliste professionnel, est à l'origine de
nombreux contentieux.
Ce n'est par exemple que lorsqu'une personne est reconnue comme
étant journaliste professionnel qu'elle pourra bénéficier de la
présomption de salariat attachée à ce statut (cf. cette autre publication sur ce point).
Il lui sera donc nécessaire, au préalable, de démontrer qu'elle
remplie, dans les faits, l'ensemble des conditions nécessaires pour
prétendre à ce statut.
L'article 1er de la loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010 relative à la
protection du secret des sources des journalistes a ajouté une
troisième définition du journaliste professionnel.
Ce texte modifie le chapitre 1er de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, intitulé "de l'imprimerie et de la librairie", dont les deux premiers aliénas de l'article 2 sont désormais rédigés ainsi :
"Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public.
Est
considérée comme journaliste au sens du premier alinéa toute personne
qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse,
de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou
une ou plusieurs agences de presse, y pratique, à titre régulier et
rétribué, le recueil d'informations et leur diffusion au public".
Cette définition du journaliste apparaît plus large que celles
données par le Code du travail et la convention collective des
journalistes, en particulier parce qu'elle ne conditionne pas la
reconnaissance du statut de journaliste au fait que l'intéressé en
retire le principal de ses ressources". C'est donc peut-être à dessein
que ce texte se contente de faire état du "journaliste" et non pas du "journaliste professionnel".
Cette loi a par ailleurs le mérite de tenter de définir
l'activité d'un journaliste : recueillir des informations et les
diffuser au public (il aurait sans doute été préférable de préciser
"et/ou" de les diffuser au public, puisque le journaliste travaillant
dans une agence de presse ne diffuse pas les informations recueillies
directement au public).
En utilisant le terme "diffusion", le législateur aurait, selon
les termes d'un rapport parlementaire, voulu permettre d'inclure dans
cette définition du "journaliste", le directeur de publication d'un
organe de presse, qui n'est pas nécessairement un journaliste au sens du
droit du travail, mais qui est responsable de la publication sur un
plan pénal et qui devait donc entrer dans le champ des personnes
bénéficiaires du secret des sources. Il aurait peut-être été préférable
de le dire plus clairement dans la loi.
S'il est expressément indiqué que cette définition du
"journaliste" est celle retenue pour l'application des règles sur le
secret des sources, celle-ci ne fait qu'ajouter à la confusion lorsqu'il
s'agit de rechercher si une personne est ou non journaliste
professionnel.
Les juridictions pénales, amenées à appliquer la loi sur le
secret des sources, pourraient d'ailleurs apporter encore certaines
précisions ou nuances à la définition de journaliste, lesquelles ne
seront pas forcement celles actuellement retenues par la chambre sociale
de la Cour de cassation d'une part et par le Conseil d'état, d'autre
part.
En pratique on devrait pouvoir rencontrer une personne qui, en
tant que journaliste, bénéficie des règles sur le secret des sources
mais qui, ne tirant pas de ses activités journalistiques l'essentiel de
ses revenus, ne peut prétendre à la délivrance d'une carte de presse de
journaliste ou, même si elle en est titulaire, ne pourrait bénéficier
des règles du droit du travail spécifiques aux journalistes au motif,
par exemple, que son employeur n'a pas la presse pour activité
principale.
Un peu de cohérence ne pourrait pas nuire.
Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris
Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris
Bonjour,
RépondreSupprimerJe travaille depuis presque 5 ans dans une agence de communication pour laquelle je suis employée comme rédactrice. Je fais un travail de journaliste pour des supports variés (des magazines, des sites Internet) dans lesquels je rédige des articles à destination du grand public (par exemple, la Ligue contre le cancer ou la Caisse Nationale des Allocations Familiales).
Je précise que mon entreprise dépend de la convention collective de la Publicité et entreprises assimilées.
Est-ce que je peux être considérée comme journaliste assimilée, et donc bénéficier de l'abattement fiscal des journalistes, dans ces conditions ?
J'ai posé la question à mon centre des impôts, mais la réponse montre un flou sur ce point.
Vous en remerciant,
Cordialement.
L’administration fiscale considère que pour pouvoir bénéficier de l'abattement fiscal applicable aux journalistes, il faut posséder remplir les conditions pour bénéficier de ce statut et posséder une carte de presse. Il me semble donc que vous devriez demander cette "carte d'identité des journalistes professionnels". Celle-ci n'est délivrée qu'aux personnes qui remplissent les conditions pour en bénéficier et donc à celles qui ont "pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de leur profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tirent le principal de leurs ressources". Le statut de journaliste peut être reconnu à des salariés qui ne travaillent pas pour une société éditrice de presse ou une agence de presse (ce qui est vôtre cas) à condition qu'ils collaborent à une publication bénéficiant d'une indépendance éditoriale.
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