vendredi 15 février 2013

Commission arbitrale des journalistes et indemnité transactionnelle de licenciement


Par application de l'article L7112-4 du Code du travail, lorsqu'un journaliste professionnel ayant plus de 15 ans d'ancienneté est licencié, seule la Commission arbitrale des journalistes est compétente pour fixer le montant de son indemnité de licenciement.
Pour autant, de même qu'un litige peut toujours être terminé par une transaction, les parties peuvent tenter de déterminer amiablement le montant de cette indemnité.

Le journaliste peut estimer cette solution plus rapide que celle qui consisterait à attendre la décision de la Commission arbitrale. De son côté, l'employeur peut y trouver un avantage financier.

En pratique, si l'employeur et le salarié tombent d'accord sur le montant de cette indemnité de licenciement, un protocole d'accord est signé au terme duquel le journaliste renonce notamment à saisir la Commission arbitrale en contrepartie du versement effectif de l'indemnité dont il est convenu avec son ancien employeur.

Cette solution, si elle a le mérite de la simplicité, n'est toutefois pas neutre.

En effet, une indemnité de licenciement n'est exonérée de cotisations sociales que si elle correspond à une indemnité légale ou conventionnelle.

Un employeur et un journaliste avaient, d'un commun accord, décidé de fixer à 1 mois par année d'ancienneté (avant comme après les 15 premières années) le montant de l'indemnité de licenciement, sans recourir à l'arbitrage de la Commission arbitrale des journalistes.

Aucune cotisation sociale n'avait été payée.

Lors d'un contrôle, l'URSSAF décide de réintégrer dans l'assiette des cotisations la moitié de cette indemnité de licenciement.

L'employeur, Société de presse, conteste ce redressement.

La Cour d'appel de Versailles juge que ne devait être réintégrée dans cette assiette des cotisations que la différence entre le montant total de l'indemnité versée et la part de cette indemnité correspondant aux quinze premières années d'ancienneté (soit 15 mois de salaires).

La Société se pourvoit en cassation.

Elle soutient que l'indemnité de licenciement versée au journaliste devait être exonérée en totalité de charges sociales.

Selon elle, le recours à la procédure d'arbitrage n'avait de raison d'être qu'en cas de désaccord entre les parties et ne se justifiait pas lorsque les parties mettent fin au litige potentiel né entre elles par la conclusion d'une transaction.

La Cour de cassation dans un arrêt du 8 novembre 2012 ne fait évidemment pas droit à cette demande.

Elle retient en effet que, dès lors que l'ancienneté du journaliste licencié était supérieure à quinze ans, seule la Commission arbitrale pouvait fixer l'indemnité légale.

La Cour de cassation approuve donc la décision de la Cour d'appel qui avait retenu "qu'à défaut d'avoir recouru à cette commission pour [faire fixer l'indemnité de licenciement], l'exonération de cotisations sociales ne s'appliquait qu'à l'indemnité minimale fixée par le code du travail pour quinze ans d'ancienneté".

Même en cas d'accord du journaliste et de l'employeur sur le montant de l'indemnité de licenciement, il est donc nécessaire, pour pouvoir bénéficier de l'exonération de charges sociales, de faire fixer ce montant par la Commission arbitrale des journalistes (laquelle conservera, nonobstant cet accord, son pouvoir d'appréciation).

Le recours à Commission arbitrale des journalistes ne présente en revanche plus d'intérêt pour l'exonération de la CSG-CRDS depuis qu'une circulaire ACCOSS du 8 juin 2012 a estimé légitime de n'exclure de l'assiette de la CSG et de la CRDS que la seule fraction de l'indemnité correspondant aux 15 premières années d'ancienneté (cf. sur ce point le commentaire du 24/07/212 sous cette autre publication).

Vianney FÉRAUD
Avocat au barreau de Paris

commentaires

fiscalisation de l'indemnité de licenciement fixée par la Commission arbitrale

  • Par morris le 08/03/13
Bonjour, je n'arrive pas à obtenir des informations fiables (et compréhensibles par le commun des mortels) sur les cotisations, contributions et impôts à payer sur l'indemnité de licenciement octroyée par la Commission arbitrale pour une ancienneté supérieure à 15 ans.

Les sommes sont-elles soumises à l'impôt sur le revenu à partir d'un certain montant et si oui, lequel ?
Les sommes sont-elles soumises à cotisations sociales et si oui à partir de quel montant (je parle bien de cotisations sociales et non de la CSG et de la CRDS dues, si j'ai bien compris, pour la fraction de l'indemnité supérieure à deux PASS). Je vous remercie de vos réponses et pour ce site si bien tenu, si clair et si intéressant. S. Morris

RE: fiscalisation de l'indemnité de licenciement fixée par la Commission arbitrale

Les indemnités de licenciement (versées en dehors d'un PSE) sont, à ce jour (mars 2013), exonérées d'impôt sur les revenus dans la limite :

- soit du double de la rémunération annuelle du salarié au cours de l'année civile qui a précédé la rupture du contrat, mais dans la limite de 6 PASS, soit 222192 euros pour 2013 ;

- soit de 50 % du montant de l'indemnité tel qu'il est versé au salarié ;

- soit encore du montant de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;

La partie de l'indemnité de licenciement qui serait supérieure à l'un de ces 3 plafonds, serait donc soumise à l'impôt sur les revenus.

Les journalistes ayant moins de 15 ans d'ancienneté ne paieront donc pas d'impôt sur les revenus dans la limite (au moins) d'une indemnité d'un mois par année d'ancienneté, s'agissant de l'indemnité légale de licenciement.

La question qui se pose (et que vous me posez) consiste cependant à déterminer si l'indemnité de licenciement telle que déterminée par la Commission arbitrale des journalistes pour les journalistes ayant plus de 15 ans d'ancienneté est ou non considérée par l'administration fiscale comme étant, en totalité, une indemnité légale ou conventionnelle qui, de ce fait, serait entièrement exonérée d'impôt sur les revenus.

En l'état, la réponse est, conformément à une instruction ministérielle du 26 juin 2000, affirmative.

Pour répondre à votre question dans un langage compréhensible par le commun des mortels, on peut donc dire que, actuellement, l'indemnité de licenciement fixée par la commission arbitrale des journaliste est intégralement exonérée d'impôt sur les revenus.

Par ailleurs, en l'état, les indemnités de licenciement versées en 2013, sont exonérées de cotisations sociales dans la limite :

- soit du double de la rémunération annuelle de l'année civile qui a précédé la rupture du contrat ;

- soit de 50 % du montant de l'indemnité tel qu'il est versé ;

- soit du montant de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;

Mais, dans tous les cas, l'exonération à hauteur de l'un des 3 plafonds est limitée à sa seule fraction inférieure à 2 PASS, soit 74064 euros en 2013 (ce plafond était de 109116 euros pour les indemnités versées en 2012 au titre d'une rupture intervenue en 2012).

Les sommes supérieures à ces plafonds sont donc soumises aux charges sociales.

Lorsque le montant total de l'indemnité de licenciement est supérieur à 10 PASS, soit 370320 en 2013, les cotisations sociales sont dues sur la totalité de la somme (depuis le 1er euro).

La fixation de cette indemnité de licenciement par la commission arbitrale des journalistes permet de retenir qu'elle est une indemnité légale mais ne permet pas d'échapper aux charges sociales sur la fraction supérieure à ces plafonds.

Enfin, pour la CSG-CRDS, l'exonération ne couvre que l'indemnité à hauteur de un mois par année d'ancienneté et ce dans la limite de 15 ans (donc 15 mois de salaires).

Cf. sur ce dernier point mon commentaire du 27 juillet 2012:


RE: fiscalisation de l'indemnité de licenciement fixée par la Commission arbitrale

  • Par Delettieres, A le 29/03/13
Compte tenu de la particularité que certains licenciements présentent (départ volontaires, PSE, ruptures conventionnelles..), cette mise au point revêt une importance particulière.
Merci pour ce site qui constitue un outil pertinent pour se maintenir rigoureusement informé.

RE: fiscalisation de l'indemnité de licenciement fixée par la Commission arbitrale

Bonjour,

Les règles ci-dessus concernent uniquement les licenciements "classiques"

Il existe des règles spécifiques applicables aux ruptures conventionnelles et aux ruptures dans le cadre d'un PSE.

Les exonérations sont plus larges dans le cadre d'un PSE et, pour la rupture conventionnelle, un forfait social de 20% est dû depuis le 1er janvier 2013 par l'employeur sur la partie de l'indemnité qui reste exonérée de CSG.

La commission arbitrale des journalistes ne peut rendre opposable à l'AGS l'indemnité de licenciement qu'elle détermine

Lorsqu'une procédure devant un conseil de prud'hommes oppose un salarié à son employeur et que celui-ci fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, il est nécessaire d'appeler dans cette procédure non seulement le mandataire judiciaire mais également l'UNEDIC délégation AGS-CGEA qui, en se substituant à l'employeur, garantit le salarié contre le risque de non paiement des sommes dues en exécution d'un contrat de travail ou à l'occasion de la rupture de ce contrat. 

L'AGS devient donc partie à la procédure judiciaire et la décision qui est rendue lui est déclarée opposable par la juridiction.

De ce fait, l'AGS est tenue, dans la limite de sa garantie, de procéder au règlement de certaines des condamnations prononcées comme par exemple celle qui consisterait à faire fixer par un conseil de prud'hommes l'indemnité de licenciement due à un salarié.

Pour les journalistes professionnels licenciés pour faute grave ou après au moins 15 ans d'ancienneté, seule la commission arbitrale des journalistes est compétente pour déterminer le montant des indemnités de licenciement (cf. cette autre publication sur ce point).
Par une décision du 12 juillet 2011, cette commission arbitrale des journalistes a été amenée à fixer le montant de l'indemnité d'une journaliste ayant plus de 15 ans d'ancienneté dont l'employeur avait été placé en liquidation judiciaire.

La commission arbitrale a donc fixé cette somme et, comme l'aurait fait une juridiction du travail, a déclaré sa décision opposable à l'AGS.

L'AGS a formé un recours en annulation contre cette décision.

Elle soutenait que la commission arbitrale a une compétence stricte qui ne lui permettait pas de lui rendre opposable ses décisions.

La cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 6 novembre 2012, a fait droit à cette demande d'annulation.

Elle estime que "si la compétence de la commission arbitrale est d'ordre public, elle ne concerne que la détermination du montant de l'indemnité et non la vérification des conditions de sa prise en charge par l'AGS".

La commission arbitrale a donc, selon la cour, méconnu l'étendue de la mission telle qu'elle lui est impartie par la loi et, de ce seul fait, a annulé la décision rendue par cette commission mais seulement en ce qu'elle a été déclarée opposable à l'AGS.

Il faut en déduire que les juridictions du travail restent seules compétentes, dans un tel cas, pour rendre opposable à l'AGS le montant de l'indemnité de licenciement dû à un journaliste même lorsqu'il a plus de 15 ans d'ancienneté et que ce montant a été arrêté, non pas par ces juridictions du travail mais par la commission arbitrale des journalistes.

En pratique, cette solution complique inutilement la procédure.

En effet, le journaliste doit parfois, avant de faire fixer le montant de son indemnité de licenciement, saisir le conseil de prud'hommes afin que soient déterminés le montant de sa rémunération et son ancienneté voire même qu'il soit confirmé qu'il a bien le statut de journaliste professionnel.

Ce n'est qu'ensuite qu'il pourra efficacement se tourner vers la commission arbitrale pour qu'elle puisse, au vu de la décision rendue par la juridiction du travail, fixer le montant de l'indemnité de licenciement.

En cas de refus de prise en charge de tout ou partie de cette indemnité par l'AGS, le journaliste devra retourner devant le conseil de prud'hommes, seul compétent selon l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 novembre 2012, pour qu'il rende opposable à l'AGS la décision rendue par la commission arbitrale.

Entre temps, plusieurs mois voire années se seront écoulés depuis le licenciement.

Vianney FÉRAUD
Avocat au barreau de Paris