Jusqu'à présent les juridictions avaient considéré que la
procédure devant la Commission arbitrale des journalistes semblait
conforme à la Constitution et qu'il n'y avait pas lieu de transmettre
les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dont elles ont
été saisies (cf. cette publication sur ce point).
La Commission arbitrale des journalistes a en revanche, elle-même,
transmis le 13 décembre 2011 à la Cour de cassation la question
prioritaire de constitutionnalité suivante, dont elle avait été saisie
par la société Marie-Claire Album :
"Les
dispositions de l'article L. 7112-4 du code du travail qui rendent la
saisine de la commission arbitrale des journalistes obligatoire pour les
journalistes ayant plus de quinze années d'ancienneté et qui ne
prévoient pas de recours à l'encontre de la décision rendue, sont-elles
conformes :
La Cour de cassation, par un arrêt en date du 9 mars 2012, a
estimé que cette question n'avait pas déjà été déclarée conforme à la
Constitution et qu'elle "présente un caractère sérieux en ce que la
Commission arbitrale des journalistes est, par dérogation à la
compétence des conseils de prud'hommes, exclusivement compétente pour
fixer, par une décision obligatoire et non susceptible de réformation
par la voie de l'appel, le montant de l'indemnité de rupture due par
l'entreprise de presse à un journaliste dont l'ancienneté excède quinze
années ainsi que pour, quelle que soit l'ancienneté de celui-ci, décider
éventuellement la réduction ou la suppression de cette indemnité en cas
de faute grave ou de fautes répétées".
Le même jour, par 3 autres arrêts, la Cour de cassation, saisie à
l'occasion de pourvois formés par la société Yonne Républicaine contre 3
arrêts de la Cour d'appel de Paris des deux questions prioritaires de
constitutionnalité suivantes :
- L'article L. 7112-3 du code du travail, qui organise un régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail propre aux seuls journalistes professionnels, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, particulièrement au principe d'égalité devant la loi tel qu'il est garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ?
- L'article L. 7112-4 du code du travail, imposant la saisine obligatoire de la Commission arbitrale des journalistes, en vue de la fixation de l'indemnité de congédiement des seuls journalistes professionnels justifiant de quinze ans d'ancienneté ou licenciés pour faute grave et/ou répétée, porte-t-il atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, particulièrement au principe d'égalité devant la justice, garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et au droit au recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration ?
a également estimé que ces questions étaient sérieuses et qu'elle
n'avaient pas déjà été déclarées conformes à la Constitution.
Ces 3 questions prioritaires de constitutionnalité sont donc
transmises par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel qui devra
y répondre dans un délai de 3 mois.
Au delà de la décision attendue sur le droit ou non d'interjeter
appel de la décision rendue par la Commission arbitrale, c'est
l'existence même de cette Commission qui serait remise en cause si la
Cour de cassation devait estimer qu'il n'est pas constitutionnel
d'obliger les parties, lorsque le journaliste a plus de 15 ans
d'ancienneté ou que la rupture du contrat est prononcée pour faute
grave, de saisir cette Commission arbitrale pour faire fixer le montant
de l'indemnité de licenciement (voir cette autre publication sur ce sujet).
Si l'article L.7112-3 du Code du travail (qui dispose que "si
l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une
indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois,
par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers
appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze") devait lui-même, au nom du principe d'égalité devant la loi, être déclaré anticonstitutionnel en ce qu'il "organise un régime d'indemnisation de la rupture du contrat de travail propre aux seuls journalistes professionnels", ce seraient tous les textes du Code du travail propres à certaines professions qui devraient être abrogés.
Sauf
surprise, cet article L.7112-3 du Code du travail ne devrait donc pas
être déclaré anticonstitutionnel, le Conseil constitutionnel jugeant
traditionnelement que si "aux termes de l'article 6 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La loi. . . doit être
la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; le
principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon
différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité
pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre
cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct
avec l'objet de la loi qui l'établit".
Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris
commentaire
Le Conseil constitutionnel a examiné ces QPC lors de son audience du 26 avrll 2012.
Le
représentant du gouvernement a conclu à la constitutionnalité des
dispositions contestées et ce compte tenu notamment des spécificités de
la profession de journaliste.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 14 mai prochain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous. Veuillez toutefois noter qu'il n'est pas possible de répondre, dans cet espace, à des demandes sur des situations particulières qui nécessitent une consultation de documents