L'article 29 de la convention collective des journalistes et assimilés prévoit que "les journalistes bénéficient des dispositions législatives et réglementaires en vigueur sur la durée du travail".
Le journaliste ou assimilé, employé à plein temps, est donc
soumis aux règles du droit commun sur la durée légale du travail.
Cette durée est de 35 heures par semaine, soit 151, 67 heures mensuelles.
Ce même article 29 prévoit en revanche que les partenaires sociaux reconnaissent que "les nécessités inhérentes à la profession ne permettent pas de déterminer la répartition des heures de travail".
En d'autres termes, si le journaliste employé à temps complet
doit normalement travailler 35 heures par semaine, la répartition de ces
35 heures au sein de la semaine n'est pas fixée par avance. Elle peut
donc dépendre, le cas échéant, de l'actualité.
Cette règle ne devrait pas s'appliquer à un journaliste employé à temps
partiel dès lors que l'article L3123-14 du Code du travail dispose que
le contrat de travail du salarié qui n'est pas employé à temps plein
doit mentionner "la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois".
De fait, par un arrêt du 1er décembre 2011, la Cour d'appel de Paris a jugé que "c'est
vainement que la société invoque l'article 29 de la Convnetin
collective des journalistes selon lequel la répartition des heures n'est
pas déterminable alors que cet article concerne précisément les
journalistes travaillant à temps plein".
Ce même article 29 de la Convention collective des journalistes poursuit : "le nombre de ces heures ne pourra excéder celui que fixent les lois en vigueur sur la durée du travail".
Un journaliste ne devrait donc, en principe, pas à être conduit à
travailler pendant une durée supérieure à la durée de travail maximale
hebdomadaire, c'est-à-dire ne dépasser ni 48 heures de travail sur une
même semaine ni une moyenne hebdomadaire de 44 heures de travail sur une
période quelconque de 12 semaines consécutives.
Il ne devrait pas non plus dépasser la durée de travail quotidienne maximale à savoir 10 heures.
Toutefois, là encore, les signataires de la convention collective ont admis que, par dérogation aux règles ordinaires, "l'exercice de la profession et les exigences de l'actualité"
pouvaient conduire, de façon exceptionnelle, le journaliste ou assimilé
à effectuer un nombre d'heures de travail supérieur à la durée légale
maximale normalement autorisée.
En contrepartie, ils ont prévu que, dans ce cas-là, le salarié
bénéficierait d'un repos compensateur (c'est-à-dire d'un droit à
récupération) pour chaque heure effectuée au-delà de la durée maximale
(et non pas pour toute heure effectuée au-delà de la durée légale du
travail, conformément à qu'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du
20 septembre 2006 n°04-47343).
En revanche, toute heure effectuée au-delà des 35 heures
hebdomadaires, doit être considérée comme étant une heure supplémentaire
et doit être rémunérée comme telle. Il n'en est autrement que pour les
cadres dirigeants ou les salariés signataires d'une convention de
forfait.
Les salaires correspondant aux heures supplémentaires doivent
donc être majorés de 25 % de la 36ème à la 43ème heure. Ils sont majorés
de 50% à partir de la 44ème heure.
En outre, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008,
les heures supplémentaires effectuées au-delà d'un contingent annuel
(220 heures, sauf accord conventionnel) donnent lieu à une
"contrepartie obligatoire en repos" d'une durée égale à 50 % de ces
heures dans les entreprises de moins de 20 salariés ou de 100 % dans les
autres entreprises.
Ce "repos payé" peut être pris par journée entière ou
demi-journée dès que le salarié a acquis au moins 7 heures de repos.
Ce régime se cumule avec celui du repos compensateur prévu par
l'article 29 de la convention collective des journalistes, lequel se
cumule avec celui des majorations de rémunérations.
Ainsi, si un journaliste effectue une heure supplémentaire alors
que son contingent annuel d'heures supplémentaires est épuisé, que
cette heure est effectuée au-delà de la 43ème heure de travail
hebdomadaire et au delà de la durée maximale de travail, cette heure
supplémentaire donnera lieu à la fois à une majoration de salaire de 50
%, à un repos compensateur de 100 % et à une contrepartie obligatoire
en repos de 50 % ou de 100 %.
Le cumul de ces différents régimes rend les calculs
particulièrement complexes et les erreurs sont, en pratique, extrêmement
nombreuses.
Le seul décompte des heures supplémentaires donne lieu à de
nombreux différends, certains employeurs considérant même que les 35
heures ne s'appliquent pas à la presse.
En cas de litige sur les heures supplémentaires effectuées par
le salarié, la preuve des heures travaillées apparaît difficile à
apporter notamment lorsque de longues périodes sont concernées.
L'article L3171-4 du Code du travail prévoit toutefois que :
"En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au
vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa
demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de
besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles."
Le texte est clair. La charge de la preuve du nombre d'heures
supplémentaires effectuées par le salarié ne pèse pas spécialement sur
l'une des parties.
La Cour de cassation estime toutefois qu'il appartient d'abord
au salarié "d'étayer" sa demande en paiement d'heures supplémentaires en
produisant tous documents susceptibles d'apporter la preuve (ou au
moins un début de preuve) des heures supplémentaires qu'il soutient
avoir effectuées.
L'employeur pourra ensuite contester le décompte du journaliste
ou assimilé en apportant des éléments contraires.
La difficulté pour le journaliste tient au fait que,
conformément à l'article 29 de la convention collective, la répartition
de ses heures de travail dans la semaine n'est pas fixe.
Il ne lui suffira donc pas d'avancer, comme le ferait un salarié
astreint à un horaire régulier, qu'il a travaillé en dehors de ses
horaires habituels mais il lui faudra apporter des élements de nature à
étayer le nombre hebdomadaire d'heures, au total, effectivement
travaillées.
C'est ainsi que, après avoir relevé que le salarié "ne
conteste pas qu'il disposait en réalité d'une totale indépendance dans
l'organisation de sa journée de travail et qu'il ne fournit pas le
détail du contenu desdites journées" la Cour d'appel d'Agen, dans un
arrêt du 12 février 2008, a rejeté la demande de paiement d'heures
supplémentaires formulée par un journaliste.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 février 2007, a toutefois adopté une position plus nuancée.
Elle a en effet approuvé l'arrêt d'une Cour d'appel qui, après
avoir rappelé les termes de l'article 39 de la Convention collective des
journalistes selon lesquels la répartition des heures de travail n'est
pas fixe et estimé que la journaliste n'avait pas "le statut d'un cadre disposant d'une totale autonomie dans l'organisation de son travail",
avait condamné l'employeur à payer les heures supplémentaires que
cette journaliste avait accomplies chaque mois en participant aux
opérations de bouclage.
De fait, si la très grande autonomie dont bénéficient certains
cadres pour organiser leur temps de travail permet de comprendre qu'ils
sont automatiquement exclus du champ d'application des règles légales
sur la durée du travail (cf. article L3111-2 du Code du travail), le
fait que les horaires de travail d'un journaliste soient susceptibles de
varier d'une semaine à l'autre, n'empêche pas de rechercher le volume
total réel des heures de travail qu'il a effectuées.
Bref, il ne faut pas confondre heures de travail et horaires de travail.
commentaires
- Heures supplémentaires par larbre il y a 3 ans
- chômage partiel s'appliquant au journalisme et interprétation de la convention collective par Marie il y a 11 mois
- RE: chômage partiel s'appliquant au journalisme et interprétation de la convention collective par vianney.feraud il y a 11 mois
- RE: chômage partiel s'appliquant au journalisme et interprétation de la convention collective par Marie il y a 11 mois
- 35 heures suite par jerome il y a 11 mois
Les journalistes étant
seulement assimilés cadres, les heures supplémentaires (de la 36ème à la
43 ème heure) leur sont-elles applicables ? Le repos compensateur ne
commence-t-il pas dès la 36ème heure ?
Bonjour Maître,
Vous
me pardonnerez j'espère de faire intrusion sur un sujet évoqué il y a
deux ans, mais il m'a semblé que c'était le plus en rapport avec mes
interrogations à propos d'une mise en chômage partiel de journalistes de
presse écrite "priés" d'effectuer exactement le même travail que par le
passé (même rythme des publications, même nombre de pages à assurer,
même rubriquage, même répartition des rubriques entre les rédacteurs)
mais... en près de deux fois moins de temps d'heures payées, ce paiement
faisant intervenir une allocation de l'Etat.
L'article
29 qui prévoit que "les nécessités inhérentes à la profession ne
permettent pas de déterminer la répartition des heures de travail"
peut-il être interprété de manière allant dans le sens d'une telle
mesure ?
Y-a-t-il, à votre connaissance, des précédents ?
En
vous remerciant par avance des éclaircissements que vous pourrez et
voudrez bien m'apporter sur ce sujet apparemment peu abordé du chômage
partiel dans une entreprise de presse qui maintient ses publications
inchangées.
Naturellement, si vous jugez ma question hors de propos, je le comprendrais parfaitement.
Quoi qu'il en soit merci et bravo pour ce blog très instructif.
Je crois comprendre à la lecture de votre question que vous connaissez déjà la réponse.
Bien évidemment, on ne peut pas exiger d'un salarié de faire en 2 fois moins de temps le même travail qu'auparavant.
Le chomage partiel suppose d'ailleurs un ralentissement de l'activité.
L'absence de fixation des horaires prévue à l'article 29 n'a rien à voir avec la durée du travail du journaliste.
Bonjour Maître,
Merci de m'avoir répondu.
Je
tiens à préciser que ne connaissais pas "déjà" la réponse à ma
question. Je croyais la connaître, ce qui est très différent. Il est
toujours préférable de vérifier ce qu'on croit savoir. Ou de tenter d'en
avoir une confirmation auprès d'une source fiable.
D'où
cette question qui n'avait rien de faussement naïf et qui découle d'une
certaine perplexité (c'est un euphémisme) face à un cas apparemment
inédit ou en tout cas sur lequel il y a peu (voire pas) de
documentation, fiable ou non.
De
ce que j'ai pu voir et connaître, à ce jour, les sociétés de presse
françaises en difficulté (mais qui maintenaient inchangées leurs
parutions et l'activité de leurs rédactions), ont eu recours à des
départs volontaires, des licenciements, mais pas au chômage partiel pour
leurs journalistes. Difficile, sans un tant soi peu de certitudes
véritablement fondées, d'avoir une idée précise sur une situation qui
semble sans précédent (et sur laquelle la C.C des journalistes est
d'ailleurs muette) ou sur la conduite à tenir face à cette situation.
Qui, je l'espère, ne deviendra pas un usage consacré dans une profession
plus précarisée qu'on ne le croit.
Encore
merci. Pour votre réponse, pour les nombreuses informations diffusées
sur ce blog et pour la rigueur avec laquelle vous tenez ce blog.
Avec mes sincères salutations.
Pour être certain de bien
comprendre, lorsqu'un journaliste est encore au 39h (35h+4h
supplémentaire défiscalisées/déchargées), par une décicion de
l'employeur sans accord d'entreprise, dans une TPE de moins de 20
salariés, et qu'il fait donc 208 heures/an (4hx52 semaines), la seule
rémunération de ces heures vaut pour tout ? Il n'y a pas de récupération
possible ?
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