L'article L7111-6 du Code du travail indique que "le journaliste professionnel dispose d'une carte d'identité professionnelle", délivrée par Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels.
Plus connue sous le nom de "carte de presse", celle-ci, selon les termes de l'article R7111-1 du Code du travail, "ne
peut être délivrée qu'aux personnes qui (...) sont journalistes
professionnels ou sont assimilées à des journalistes professionnels",
c'est à dire à des personnes qui - entre autres critères - travaillent
dans des entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques
ou agences de presse.
Une personne obtient une carte de presse lorsqu'elle
établit qu'elle est journaliste professionnel. Elle ne devient pas
journaliste professionnel parce qu'elle détient une carte de presse.
L'article 6 de la Convention collective des journalistes prévoit quant à lui "qu'aucune
entreprise visée par la présente Convention ne pourra employer pendant
plus de trois mois des journalistes professionnels et assimilés qui ne
seraient pas titulaires de la carte professionnelle de l'année en cours
ou pour lesquels cette carte n'aurait pas été demandée".
Dans un monde parfait, les sociétés de presse
emploieraient, en qualité de journaliste ou assimilé, uniquement des
personnes titulaires de cartes de presse ou qui seraient en train de la
demander et ces personnes obtiendraient leurs cartes de presse
précisément parce qu'elles sont des journalistes exerçant leur
profession dans des entreprises de presse, publications quotidiennes et
périodiques ou agences de presse relevant de la convention collective
des journalistes.
Mais, puisque le journaliste professionnel n'a aucune
obligation de demander une carte de presse et puisque l'employeur qui,
malgré les termes de l'article 6 de la Convention collective, emploie en
qualité de journaliste ou assimilé une personne qui n'est pas titulaire
de cette carte, ne s'expose à aucune sanction, certains journalistes
exercent effectivement leur profession sans être titulaire de la carte
de presse.
Il est de fait assez fréquent que les tribunaux
reconnaissent le statut de journaliste professionnel à des personnes qui
ne détiennent pas la carte de presse.
Il est en revanche a priori plus difficile de comprendre
que des tribunaux puissent juger qu'une personne qui est titulaire d'une
carte de presse n'est, en fait, pas journaliste professionnel.
L'examen de la jurisprudence fournit pourtant quelques exemples en ce sens.
Pendant toute la durée de son contrat de travail (soit 8
années), un salarié avait été titulaire d'une carte de presse. A la
suite de son licenciement pour faute grave, il avait saisi la Commission
arbitrale des journalistes afin que celle-ci statue sur le montant de
son indemnité de licenciement (cf. sur ce point cette autre publication) .
La Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1996 a
toutefois estimé que cette Commission n'était pas compétente puisque
l'employeur n'était pas une entreprise de presse et ce précise-t-elle "peu important que le salarié ait été titulaire d'une carte de journaliste professionnel"
; le salarié, contrairement à ce qu'il croyait en consultant sa propre
carte de presse, n'était donc pas journaliste aux yeux de la Cour de
cassation.
C'est encore ce qu'a jugé, plus récemment, la Cour d'appel
de Paris, dans un arrêt du 16 septembre 2010.
Après avoir indiqué que "si
l'article R.7111-1 du code du travail précise que la carte d'identité
des journalistes est seulement délivrée aux journalistes professionnels
au sens des dispositions de l'article L.7111-3 du même code, sa
détention est en elle-même insuffisante à établir que son titulaire
possède bien la qualité de journaliste professionnel au sens du texte
légal précité".
La Cour estime donc que "le
fait ainsi que Mme C. produise une attestation du Président de la
Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, aux
termes de laquelle celle-ci lui a été délivrée de 1992 à 2007 inclus,
exception faite pour l'année 2004, ne permet donc pas de lui faire
application par principe des dispositions de l'article L.7111-3 du code
du travail".
Cette juridiction retiendra d'ailleurs finalement que cette
personne, bien que titulaire de la carte de presse, n'était pas
journaliste professionnel.
L'intérêt de posséder une carte de presse n'est pas plus
grand lorsqu'il s'agit de calculer la prime d'ancienneté d'un
journaliste.
En effet, la Cour de cassation considère que "l'ancienneté dans la profession ne peut résulter du seul fait de la détention d'une carte de journaliste professionnel" (Cass. 18 juill. 2001).
L'explication tient au fait que, comme le relève d'ailleurs
la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 16 septembre 2010, la
Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels fait
un traitement administratif des demandes de cartes et que les décisions
de cette Commission ne n'imposent donc pas aux Juges judiciaires.
Il reste que la détention de la carte d'identité n'est ni
nécessaire ni même suffisante pour prétendre au statut de journaliste
professionnel et, puisque l'on rencontre des journalistes professionnels
sans carte et des "non journalistes professionnels avec carte", on peut
légitimement se demander à quoi elle sert.
Outre les réductions qu'elle permet d'obtenir dans certains
musées ou cinémas, elle rend sans doute plus facile l'exercice de la
profession au quotidien. Elle constitue également un indice, susceptible
de justifier du statut de journaliste professionnel ou assimilé auprès
des différentes administrations.
Enfin, elle permet, depuis l'entrée en application de l'accord du 7
novembre 2008, étendu par arrêté ministériel du 11 octobre 2010, de
déterminer le taux de la prime d'ancienneté applicable aux pigistes, dès
lors que, pour ceux là, les signataires de cet accord ont prévu que
c'est la durée de détention effective de la carte professionnelle qui
doit être prise en considération pour déterminer une "notion globale"
d'ancienneté. Cetaccord prévoit en efet en son article II, que "pour simplifier les calculs [de la prime d'ancienneté] ,
il est admis de façon dérogatoire de prendre en considération la durée
de détention effective de la carte professionnelle afin de déterminer
une notion globale d'ancienneté" (cf. cette publication sur ce sujet).
Des sanctions sévères sont prévues (emprisonnement de deux ans et
une amende de 3 750 euros), à l'encontre de celui qui :
- aura fait sciemment une déclaration inexacte en vue d'obtenir la carte d'identité de journaliste professionnel ;
- aura fait usage d'une carte frauduleusement obtenue, périmée ou annulée, en vue de bénéficier des avantages offerts par ces cartes ;
- se sera fait délivrer sciemment des attestations inexactes en vue de faire attribuer cette carte de presse ;
Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris
commentaires
commentaires
- a avoir une réduction d'impot! par pig il y a 3 ans
- RE: a avoir une réduction d'impot! par vianney.feraud il y a 3 ans
- dépendre ou non de la convention collective des journalistes par julien il y a 3 ans
- RE: dépendre ou non de la convention collective des journalistes par vianney.feraud il y a 3 ans
Même pas !
La 2041-GP (c'est
à dire le document établi par l'admninistration fiscale pour aider les
contribuables à remplir les déclarations des revenus) prévoyait, pour
les revenus de 2009, que l'exonération d'impôt sur la somme de 7650
euros était liée à "l'exercice effectif de la profession de journaliste" et précisait "Par
conséquent, la simple possession de la carte d'identité professionnelle
de journaliste ne permet pas à elle seule de bénéficier de ces
dispositions. A l'inverse, l'exercice de la profession de journaliste de
manière effective et continue sans détention de la carte ouvre droit au
bénéfice de ces dispositions".
Cette précision résulte de la jurispudence des Tribunaux admnistratifs, la Conseil d'Etat ayant par exemple jugé que "le
fait qu'une (personne soit) titulaire de la carte d'identité
professionnelle de journaliste ne suffit pas à lui ouvrir droit à cet
avantage" fiscal (C.E. 1/4/92, 88837).
Bonsoir,
Votre
article me ramène en partie à mon cas. Je suis journaliste salarié
(disposant d'une carte de presse) dans une entreprise (fédération
sportive) qui dépend de la convention nationale du sport mais qui édite
une publication payante et disposant d'un numéro de commission
paritaire. A lire l'extrait de l'arrêt de la cour de cassation du 22
octobre 1996 , j'ai l'impression que je ne suis donc pas journaliste
professionnel et que je ne relève pas de la convention collective des
journalistes mais de celle du sport. Pourtant, plusieurs collègues
m'assurent que toute entreprise qui édite un support de presse (à
l'exception des journaux d'entreprise et de collectivité locale je
crois) est considéré comme un éditeur de presse et donc que ses salariés
y travaillant comme journalistes dépendent de la convention des
journalistes...
La lecture de l'arrêt de la
Cour de cassation du 22 octobre 1996, montre que le salarié était
employé par une entreprise d'ingénierie relevant de la Convention
collective nationale de l'industrie du pétrole et qu'il était chargé
d'élaborer, à l'usage du personnel et des actionnaires de la société,
des bulletins d'information, ainsi que des cassettes destinées à être
diffusées par une station radiophonique interne.
Bien
que titulaire de la carte de presse, il n'a pu bénéficier du statut de
journaliste professionnel car la Cour a estimé que son employeur n'était
pas une entreprise de presse.
L'article
L.761-2 du Code du travail, alors en vigueur, prévoyait que seuls les
journalistes exerçant leur profession dans "une ou plusieurs
publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs
agences de presse" pouvaient (s'ils respectaient les autres conditions
prévues par la loi) prétendre au statut de journaliste professionnel (et
donc relever de la convention collective des journalistes).
Pour
la Cour de cassation, les "publications quotidiennes ou périodiques"
visées par ce texte étaient donc celles éditées par les seules
entreprises de presse.
Lors
de la recodification du Code du travail (entrée en application le 1er
mai 2008 et prétendue avoir été effectuée "à droit constant", c'est à
dire sans modification de fond), ce texte a été réécrit.
L'article
L.7111-3 du Code du travail dispose désormais que le journaliste doit,
pour pouvoir prétendre au statut, exercer sa profession "dans une ou
plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et
périodiques ou agences de presse".
Puisque
la loi fait maintenant référence à la notion "d'entreprise de presse"
indépendamment des "publications quotidiennes et périodiques", il est
possible (mais loin d'être certain) que la Cour de cassation reconnaisse
désormais le statut de journaliste professionnel à des salariés qui
travaillent pour une publication éditée par un employeur qui n'est pas
entreprise de presse.
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