8 oct. 2010

La prime d'ancienneté des journalistes

Les articles 23 et 24 de la convention collective des journalistes et assimilés instaurent une prime d'ancienneté qui doit être versée aux salariés relevant de cette convention. 

La Cour de cassation rappelle que ni un accord d'entreprise, ni le contrat de travail ne peuvent exclure un journaliste ou assimilé du bénéfice de cette prime (Cass. soc. 29 sept. 2009). 

Le montant de la prime d'ancienneté est calculé non en fonction du salaire réel du salarié mais sur la base de rémunération minimale applicable à la catégorie professionnel à laquelle il appartient. 

Les minima de rémunération sont fixés périodiquement par les partenaires sociaux. 

Lorsqu'aucune grille de salaire minimum n'est applicable à la relation de travail et ce soit parce que l'activité de l'entreprise ne rentre dans aucun champ d'application d'une grille existante, soit encore parce qu'une telle grille bien qu'existante n'a pas fait l'objet d'un arrêté d'extension par le Ministère du travail et que l'employeur n'est pas membre d'une organisation signataire de l'accord l'instaurant, la base de calcul de la prime d'ancienneté est le montant du SMIC (Cass. soc. 16 nov. 2022, n°21-16073).

Le taux de la prime d'ancienneté à appliquer sur ces minima varie, fort logiquement, selon l'ancienneté du salarié. 

Cette ancienneté est appréciée en fonction d'une part de l'ancienneté du salarié en qualité de journaliste professionnel (ou assimilé) et d'autre part en fonction de son ancienneté dans l'entreprise. 

Les taux sont les suivants : 

Ancienneté dans la profession en qualité de journaliste professionnel : 

- 3 % pour 5 années d'exercice ; 
- 6 % pour 10 années d'exercice ; 
- 9 % pour 15 années d'exercice ; 
- 11 % pour 20 années d'exercice. 

Ancienneté dans l'entreprise en qualité de journaliste professionnel : 

- 2 % pour 5 années de présence ; 
- 4 % pour 10 années de présence ; 
- 6 % pour 15 années de présence ; 
- 9 % pour 20 années de présence. 

Un salarié qui compte donc 20 ans d'ancienneté au sein de la même société pourra prétendre à une prime d'ancienneté de 20 % du montant minimal de la rémunération applicable à sa catégorie professionnelle. S'il est par exemple chef de rubrique et qu'il perçoit donc un salaire au moins égal à 1736 euros, sa rémunération mensuelle, quelqu'en soit le montant, doit être majorée de 347, 20 euros. 

Il est précisé par l'article 24 de la convention collective que l'ancienneté dans la profession est le temps pendant lequel le salarié "a exercé effectivement son métier". On se réfère généralement, pour la déterminer, à la durée de possession de la carte de presse (même s'il reste évidemment toujours possible de démontrer qu'un salarié a été journaliste ou assimilé sans être titulaire de la carte de presse et inversement, la Cour de cassation jugeant d'ailleurs que "l'ancienneté dans la profession ne peut résulter du seul fait de la détention d'une carte de journaliste professionnel" (Cass. soc. 18 juill. 2001)). 

La pratique montre que la prime d'ancienneté est assez souvent oubliée par les employeurs ce qui donne lieu à des demandes de rappel de salaires par les salariés. 

Mais ces dernières années, les Tribunaux ont surtout été saisis par des pigistes à qui la prime d'ancienneté n'était pas payée. 

Il ne fait aucun doute que les salariés payés à la pige peuvent prétendre à la prime d'ancienneté (cf. par exemple la décision de la Cour de cassation du 8 décembre 1999). 

En revanche, l'hésitation portait sur le mode de calcul de cette prime. 

En effet, pour les pigistes, il n'existe pas de barème de rémunérations conventionnelles minimales (l'article 22 de la convention collective prévoit pourtant en son deuxième alinéa qu'un "tarif minimum de la pige" devrait être fixé). 

Si, en soi, cette absence de barème de rémunérations minimales ne devait pas priver les pigistes du droit à la prime (cf. sur ce point notamment l'arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2009) d'ancienneté on se demandait quelle était l'assiette de calcul à retenir. 

Certains pensaient que, en l'absence de rémunération minimale, cette base de calcul ne pouvait être que le salaire réel du pigiste tandis que d'autres soutenaient que, en raison de la référence par l'article 23 de la convention collective à la notion de rémunération minimale, il fallait nécessairement retenir que la prime d'ancienneté des pigistes était calculée sur la base du SMIC. 

La Cour de cassation s'est montrée hésitante. 

Par un arrêt du 30 avril 2003, la Cour de cassation a dit "qu'en l'absence d'annexe fixant les rémunérations minimales des pigistes, la prime d'ancienneté devait être calculée non en fonction du montant des salaires perçus par ceux-ci mais par référence au SMIC". 

Mais dans un arrêt du 11 juillet 2006, la même Cour a jugé "qu'en l'absence de barème minimum, la cour d'appel a pu décider que la prime d'ancienneté pouvait être calculée sur le salaire réel". 

Quelques temps après, la Cour de cassation a, à nouveau, jugé que "la prime d'ancienneté est calculée pour le pigiste par référence au SMIC" (Cass. soc. 4 fév. 2009). 

Et, dans 2 arrêts du 16 septembre 2009 la Cour de cassation a cassé les arrêts rendus par la Cour d'appel de Paris qui avaient retenu que "la pige constitue un mode de rémunération s'appliquant à un travail rédactionnel payé à la tâche sans référence à une durée de travail, ce qui exclut de se référer au SMIC ; qu'en conséquence, en l'absence de référence conventionnelle, la prime d'ancienneté doit être calculée sur le salaire réellement perçu par Mme X... 

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation, reprenant les termes de sa jurisprudence de 2003, dit"qu'en l'absence d'annexe à la convention collective nationale des journalistes fixant les rémunérations minimales des pigistes, la prime d'ancienneté doit être calculée, non en fonction du montant des salaires perçus par ceux-ci, mais en référence au SMIC, lequel est applicable à cette catégorie de salariés qui doivent être rémunérés au taux du salaire minimum de croissance pour le nombre d'heures qu'ils ont effectué, ou qu'ils ont consacré à la réalisation de chaque pige". 

Cette jurisprudence apparaît critiquable d'abord parce qu'elle met tous les journalistes et assimilés payés à la pige "dans le même panier". 

Or, si la pige est, dans la pratique, un mode de paiement de certains salariés relevant de la convention collective des journalistes, les pigistes ne représentent pas une catégorie professionnelle distincte des autres salariés. 

On rencontre ainsi des salariés payés à la pige qui exercent par exemple les fonctions de rédacteur et d'autres celles de photographe reporter. 

Si la référence au SMIC (soit 1337,73 euros brut au 1er juillet 2009) pour le calcul de la prime d'ancienneté n'a pas beaucoup d'incidence pour un rédacteur payé à la pige puisque le calcul de sa prime d'ancienneté doit être réalisé sur la base de la rémunération minimale applicable à cette catégorie professionnelle (soit 1392 euros depuis le 1er juillet 2008) rien ne semble justifier que tous les salariés payés à la pige, quelle que soit leur qualification professionnelle, se voient appliquer la même base pour le calcul de leur prime d'ancienneté. 

Cette jurisprudence est également étonnante dans la mesure où la Cour fait référence au temps de travail des pigistes alors que, par définition, la pige étant un mode de paiement à la tâche, la référence au temps de travail est exclue. 

La Cour d'appel de Paris semble décidée à résister à la (dernière) jurisprudence de la Cour de cassation puisque dans un arrêt du 12 mars 2010, elle a jugé "qu'en l'absence de barèmes minima conventionnels pour les pigistes, il convient dans le respect du principe d'égalité de traitement entre les journalistes permanents et les journalistes pigistes, de retenir le salaire réel de Robert B. pour le calcul des primes d'ancienneté". 

On ne comprend toutefois pas très bien cette motivation. Puisque la prime d'ancienneté des journalistes permanents n'est pas calculée sur leur salaire réel mais sur les minima conventionnels on voit mal en quoi il y aurait "égalité de traitement" à la calculer sur le montant réel des piges. 

Dans leur accord du 7 novembre 2008, étendu par arrêté ministériel du 11 octobre 2010, les partenaires sociaux ont arrêté des règles spécifiques pour le calcul de la prime d'ancienneté des journalistes rémunérés à la pige. 

Ils estiment impossible pour le pigiste de "justifier un temps de présence" et, par dérogation à l'article 23 de la convention collective, retiennent que pour la fixation des taux de la prime d'ancienneté des salariés payés à la pige, le calcul devra se faire en fonction uniquement de la durée de détention de la carte de presse. 

Des taux spécifiques ont ainsi été prévus : 

- 5 % pour 5 années de détention de la carte de presse ; 
- 10 % pour 10 années de détention de la carte de presse ; 
- 15 % pour 15 années de détention de la carte de presse ; 
- 20 % pour 20 années de détention de la carte de presse. 


Cela a le mérite de la simplicité, mais apparaît contraire à la jurisprudence citée ci-dessus selon laquelle la détention de la carte de presse n'est pas, en elle-même, un critère pour déterminer l'ancienneté d'un journaliste. 

Il faut également rappeler que de nombreux pigistes rencontrent des difficultés pour obtenir une carte de presse et que lier le calcul de leur prime à la détention de cette carte peut-être une cause supplémentaire d'inégalité. 

Pour la base de référence servant au calcul de cette prime, les signataires de cet accord ont prévu d'attribuer à chaque pigiste un "coefficient de référence" déterminé en comparant la rémunération qu'il a perçue au cours de l'année civile précédente à celle, minimale, d'un rédacteur. 

Ce coefficient ne peux jamais dépasser 1, ce qui signifie que la prime d'ancienneté d'un pigiste ne peut jamais être supérieure à celle due à un rédacteur. 

Ce mode de calcul apparaît tellement complexe que les partenaires sociaux ont estimé utile de fournir des exemples chiffrés. 

Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris


7 commentaires

Le T.G.I et la Cour d'appel de Paris jugent licites l'accord du 7/11/08 sur la prime d'ancienneté des pigistes

Par jugement du 3 novembre 2009, le Tribunal de grande instance a déclaré licites les dispositions de l'accord du 7 novembre 2008 relatives à la prime d'ancienneté des pigistes.

Le Tribunal retient notamment que le mode de calcul de la prime tel que prévu dans cet accord est plus favorable que celui résultant de la jurisprudence de la Cour de cassation, puisque la base de référence retenue par les partenaires sociaux est le salaire minimum conventionnel d'un rédacteur et non pas le Smic.

Selon les Juges, le principe d'égalité entre les salariés ne serait pas enfreint par cet accord puisque en retenant qu'il convenait, pour le calcul de la prime d'ancienneté des pigistes; de prendre en compte uniquement l'ancienneté dans la profession, l'accord est "protecteur dans la mesure où il tient compte de la difficulté pour les pigistes de justifier de leur temps de présence dans les entreprises du fait de collaborations multiples et où le taux retenu est le même que celui appliqué aux autres journalistes pour lesquels ce taux tient compte à la fois de l'ancienneté dans la profession et de l'ancienneté dans l'entreprise".

Cette décision a fait l'objet d'un appel.

Par arrêt du 24 mars 2011, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement de première insatnce en ce qu'il avait validé l'accord du 7 novembre 2008 sur la prime d'ancienneté des pigistes. 

La Cour observe en particulier que "les organisations signataires n'ont nullement entendu imposer les modalités ainsi déterminées par elles et ont, au contraire, expressément envisagé que l'application des dispositions de la convention collective puisse être revendiquée par le pigiste qui s'estimerait lésé par le dispositif issu de l'accord et entendrait recourir à la stricte application des dispositions des articles 23 et 24 de la convention collective, à charge pour lui d'établir qu'il remplit les conditions posées par ces textes".

Ce qui signifie que les pigistes peuvent toujours préférer se voir appliquer les règles antérieures à cet accord.

Base de calcul de la prime d'ancienneté des pigistes

Par un arrêt du 25 mai 2011, la Cour de cassation confirme mot à mot sa jurisprudence du 16 septembre 2009 sur la prime d'ancienneté des pigistes en retenant à nouveau qu' "en l'absence d'annexe à la convention collective nationale des journalistes fixant les rémunérations minimales des pigistes, la prime d'ancienneté doit être calculée, non en fonction du montant des salaires perçus par ceux-ci, mais par référence au SMIC, lequel est applicable à cette catégorie de salariés qui doivent être rémunérés au taux du salaire minimum de croissance pour le nombre d'heures qu'ils ont effectué, ou qu'ils ont consacré à la réalisation de chaque pige".

RE: Base de calcul de la prime d'ancienneté des pigistes

  • Par Motti le 12/10/12
Comment la Cour de cassation peut elle, sans établir une discrimination envers les pigistes, leur appliquer comme base de l'anciennenté un SMIC qui est inférieur aux salaires minima figurant dans les barèmes des permanents annexés à la CCNJ de toutes les organisations patronales ( SPMI SEPM SPM SPPMO etc ) alors que la CCNJ déclare qu'aucun salaire ne doit etre inférieur à ceux indiqués dans les barèmes. 

RE: Base de calcul de la prime d'ancienneté des pigistes

La réponse à votre question est dans l'arrêt de la Cour de cassation. C'est, dit-elle, parce que les partenaires sociaux n'ont pas fixé de rémunérations minimales applicables aux pigistes.

De fait, alors que l'article 22 de la convention collective des journalistes prévoit que"en raison de la disparité des catégories d'entreprises de presse, il est convenu que le salaire minimum national et le tarif minimum de la pige sont fixés pour chaque forme de presse", il n'existe pas de tarif minimum pour les piges.

En l'absence de ce tarif minimum conventionnel, seul le plancher légal (c'est à dire le SMIC) s'applique.

Ce n'est effectivement pas très satisfaisant et on peut se demander si on ne devrait pas s'attacher plus à la qualification du journaliste qu'au mode de paiement de son salaire.

En effet, le même article 22 de convention collective des journalistes prévoit que "les grilles hiérarchiques correspondant aux qualifications professionnelles, par forme de presse, sont annexées à la présente convention" et que ce sont "les salaires correspondant à ces qualifications" qui doivent "être majorés, s'il y a lieu, de la prime d'ancienneté".

Or, "pigiste" n'est pas une qualification. 

RE: Base de calcul de la prime d'ancienneté des pigistes

  • Par M. le 13/10/12
bonjour, 
merci pour votre réponse,
la réponse de la cour de cassation n'est pas satisfaisante 
En effet, dans tous les barèmes annexés aucune catégorie de "permanents" n'est payé au SMIC, tous sont payés au dessus. 
Et comme la CCNJ indique qu'aucun journaliste nedoit etrepayé en dessous de ces tarifs, le fait de décreter que c'est un smic qui doit servir de base est contraire à la C.C. 
Une autre question : les pigistes qui gagnent moins que le smic voit il leur P.A. 
calculé sur le montant réel des piges payés ou sur le SMIC mensuel ce qui serait un avantage pour eux ? 
Merci par avance. 

P.A. pour les pigistes

  • Par M le 13/10/12
Bien entendu l'idée que la qualification peut servir de base est très intéressante. 

prime d'ancienneté non respectée.

  • Par andretti le 06/11/12
Bonjour, 
Je suis rédacteur en chef d'une revue depuis quatre ans. Je gagne 2 000 euros bruts mensuels, y compris ma prîme d'ancienneté de 140,00 euros. J'ai 35 ans d'ancienneté dans la profession de journaliste.
Est-ce que ma prime d'ancienneté n'est pas un peu... juste !
Merci pour votre réponse.

5 oct. 2010

A quoi sert la carte de presse ?

L'article L7111-6 du Code du travail indique que "le journaliste professionnel dispose d'une carte d'identité professionnelle", délivrée par Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels. 

Plus connue sous le nom de "carte de presse", celle-ci, selon les termes de l'article R7111-1 du Code du travail, "ne peut être délivrée qu'aux personnes qui (...) sont journalistes professionnels ou sont assimilées à des journalistes professionnels", c'est à dire à des personnes qui - entre autres critères - travaillent dans des entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse.

Une personne obtient une carte de presse lorsqu'elle établit qu'elle est journaliste professionnel. Elle ne devient pas journaliste professionnel parce qu'elle détient une carte de presse.

L'article 6 de la Convention collective des journalistes prévoit quant à lui "qu'aucune entreprise visée par la présente Convention ne pourra employer pendant plus de trois mois des journalistes professionnels et assimilés qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle de l'année en cours ou pour lesquels cette carte n'aurait pas été demandée".

Dans un monde parfait, les sociétés de presse emploieraient, en qualité de journaliste ou assimilé, uniquement des personnes titulaires de cartes de presse ou qui seraient en train de la demander et ces personnes obtiendraient leurs cartes de presse précisément parce qu'elles sont des journalistes exerçant leur profession dans des entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse relevant de la convention collective des journalistes.

Mais, puisque le journaliste professionnel n'a aucune obligation de demander une carte de presse et puisque l'employeur qui, malgré les termes de l'article 6 de la Convention collective, emploie en qualité de journaliste ou assimilé une personne qui n'est pas titulaire de cette carte, ne s'expose à aucune sanction, certains journalistes exercent effectivement leur profession sans être titulaire de la carte de presse.

Il est de fait assez fréquent que les tribunaux reconnaissent le statut de journaliste professionnel à des personnes qui ne détiennent pas la carte de presse.

Il est en revanche a priori plus difficile de comprendre que des tribunaux puissent juger qu'une personne qui est titulaire d'une carte de presse n'est, en fait, pas journaliste professionnel.

L'examen de la jurisprudence fournit pourtant quelques exemples en ce sens.

Pendant toute la durée de son contrat de travail (soit 8 années), un salarié avait été titulaire d'une carte de presse. A la suite de son licenciement pour faute grave, il avait saisi la Commission arbitrale des journalistes afin que celle-ci statue sur le montant de son indemnité de licenciement (cf. sur ce point cette autre publication) .

La Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1996 a toutefois estimé que cette Commission n'était pas compétente puisque l'employeur n'était pas une entreprise de presse et ce précise-t-elle "peu important que le salarié ait été titulaire d'une carte de journaliste professionnel" ; le salarié, contrairement à ce qu'il croyait en consultant sa propre carte de presse, n'était donc pas journaliste aux yeux de la Cour de cassation.

C'est encore ce qu'a jugé, plus récemment, la Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 16 septembre 2010.

Après avoir indiqué que "si l'article R.7111-1 du code du travail précise que la carte d'identité des journalistes est seulement délivrée aux journalistes professionnels au sens des dispositions de l'article L.7111-3 du même code, sa détention est en elle-même insuffisante à établir que son titulaire possède bien la qualité de journaliste professionnel au sens du texte légal précité".

La Cour estime donc que "le fait ainsi que Mme C. produise une attestation du Président de la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels, aux termes de laquelle celle-ci lui a été délivrée de 1992 à 2007 inclus, exception faite pour l'année 2004, ne permet donc pas de lui faire application par principe des dispositions de l'article L.7111-3 du code du travail".

Cette juridiction retiendra d'ailleurs finalement que cette personne, bien que titulaire de la carte de presse, n'était pas journaliste professionnel.

L'intérêt de posséder une carte de presse n'est pas plus grand lorsqu'il s'agit de calculer la prime d'ancienneté d'un journaliste.

En effet, la Cour de cassation considère que "l'ancienneté dans la profession ne peut résulter du seul fait de la détention d'une carte de journaliste professionnel" (Cass. 18 juill. 2001).

L'explication tient au fait que, comme le relève d'ailleurs la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 16 septembre 2010, la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels fait un traitement administratif des demandes de cartes et que les décisions de cette Commission ne n'imposent donc pas aux Juges judiciaires.

Il reste que la détention de la carte d'identité n'est ni nécessaire ni même suffisante pour prétendre au statut de journaliste professionnel et, puisque l'on rencontre des journalistes professionnels sans carte et des "non journalistes professionnels avec carte", on peut légitimement se demander à quoi elle sert.

Outre les réductions qu'elle permet d'obtenir dans certains musées ou cinémas, elle rend sans doute plus facile l'exercice de la profession au quotidien. Elle constitue également un indice, susceptible de justifier du statut de journaliste professionnel ou assimilé auprès des différentes administrations.

Enfin, elle permet, depuis l'entrée en application de l'accord du 7 novembre 2008, étendu par arrêté ministériel du 11 octobre 2010, de déterminer le taux de la prime d'ancienneté applicable aux pigistes, dès lors que, pour ceux là, les signataires de cet accord ont prévu que c'est la durée de détention effective de la carte professionnelle qui doit être prise en considération pour déterminer une "notion globale" d'ancienneté. Cetaccord prévoit en efet en son article II, que "pour simplifier les calculs [de la prime d'ancienneté] , il est admis de façon dérogatoire de prendre en considération la durée de détention effective de la carte professionnelle afin de déterminer une notion globale d'ancienneté" (cf. cette publication sur ce sujet).

Des sanctions sévères sont prévues (emprisonnement de deux ans et une amende de 3 750 euros), à l'encontre de celui qui :

  • aura fait sciemment une déclaration inexacte en vue d'obtenir la carte d'identité de journaliste professionnel ;

  • aura fait usage d'une carte frauduleusement obtenue, périmée ou annulée, en vue de bénéficier des avantages offerts par ces cartes ;

  • se sera fait délivrer sciemment des attestations inexactes en vue de faire attribuer cette carte de presse ;

Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris

commentaires

a avoir une réduction d'impot!

  • Par pig le 05/10/10

RE: a avoir une réduction d'impot!





Même pas !

La 2041-GP (c'est à dire le document établi par l'admninistration fiscale pour aider les contribuables à remplir les déclarations des revenus) prévoyait, pour les revenus de 2009, que l'exonération d'impôt sur la somme de 7650 euros était liée à "l'exercice effectif de la profession de journaliste" et précisait "Par conséquent, la simple possession de la carte d'identité professionnelle de journaliste ne permet pas à elle seule de bénéficier de ces dispositions. A l'inverse, l'exercice de la profession de journaliste de manière effective et continue sans détention de la carte ouvre droit au bénéfice de ces dispositions".

Cette précision résulte de la jurispudence des Tribunaux admnistratifs, la Conseil d'Etat ayant par exemple jugé que "le fait qu'une (personne soit) titulaire de la carte d'identité professionnelle de journaliste ne suffit pas à lui ouvrir droit à cet avantage" fiscal (C.E. 1/4/92, 88837).

dépendre ou non de la convention collective des journalistes

  • Par julien le 25/11/10
Bonsoir,

Votre article me ramène en partie à mon cas. Je suis journaliste salarié (disposant d'une carte de presse) dans une entreprise (fédération sportive) qui dépend de la convention nationale du sport mais qui édite une publication payante et disposant d'un numéro de commission paritaire. A lire l'extrait de l'arrêt de la cour de cassation du 22 octobre 1996 , j'ai l'impression que je ne suis donc pas journaliste professionnel et que je ne relève pas de la convention collective des journalistes mais de celle du sport. Pourtant, plusieurs collègues m'assurent que toute entreprise qui édite un support de presse (à l'exception des journaux d'entreprise et de collectivité locale je crois) est considéré comme un éditeur de presse et donc que ses salariés y travaillant comme journalistes dépendent de la convention des journalistes...

RE: dépendre ou non de la convention collective des journalistes

La lecture de l'arrêt de la Cour de cassation du 22 octobre 1996, montre que le salarié était employé par une entreprise d'ingénierie relevant de la Convention collective nationale de l'industrie du pétrole et qu'il était chargé d'élaborer, à l'usage du personnel et des actionnaires de la société, des bulletins d'information, ainsi que des cassettes destinées à être diffusées par une station radiophonique interne.

Bien que titulaire de la carte de presse, il n'a pu bénéficier du statut de journaliste professionnel car la Cour a estimé que son employeur n'était pas une entreprise de presse.

L'article L.761-2 du Code du travail, alors en vigueur, prévoyait que seuls les journalistes exerçant leur profession dans "une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse" pouvaient (s'ils respectaient les autres conditions prévues par la loi) prétendre au statut de journaliste professionnel (et donc relever de la convention collective des journalistes).

Pour la Cour de cassation, les "publications quotidiennes ou périodiques" visées par ce texte étaient donc celles éditées par les seules entreprises de presse.

Lors de la recodification du Code du travail (entrée en application le 1er mai 2008 et prétendue avoir été effectuée "à droit constant", c'est à dire sans modification de fond), ce texte a été réécrit.

L'article L.7111-3 du Code du travail dispose désormais que le journaliste doit, pour pouvoir prétendre au statut, exercer sa profession "dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse".

Puisque la loi fait maintenant référence à la notion "d'entreprise de presse" indépendamment des "publications quotidiennes et périodiques", il est possible (mais loin d'être certain) que la Cour de cassation reconnaisse désormais le statut de journaliste professionnel à des salariés qui travaillent pour une publication éditée par un employeur qui n'est pas entreprise de presse.