A la
suite d'une cession intervenue le 14 octobre 2011, une société de presse
informe les journalistes qu'elle emploie de l'ouverture de la clause de cession
prévue à l'article L.7112-5 du Code du travail et leur précise qu'ils devront
exercer cette faculté au plus tard le 31 décembre 2011.
Le
15 juin 2014, une journaliste notifie à cette société sa décision d'invoquer
cette clause de cession.
La société lui répond qu'"aucune des circonstances prévues à l’article L.7112-5 du Code
du travail n’est effective au sein du journal" et elle prend
immédiatement acte de la démission de cette journaliste.
Celle-ci se retrouve ainsi privée d'indemnité de rupture
et, étant considérée comme démissionnaire par Pôle emploi, elle ne peut prétendre au versement
des indemnités chômage.
Elle saisit le Conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc
afin de faire principalement juger qu'elle a valablement invoqué la clause de
cession des journalistes et lui demande de condamner son employeur à lui verser
une indemnité
Par jugement du 11 mai 2015 ce conseil de prud'hommes,
la déboute de ses demandes. Il estime notamment que "bien que l'article L7112-5 ne prévoit pas de délai de
prescription, l'application de la clause de cession doit être la résultante
directe de la cession et de fait intervenir dans un délai sinon concomitant à
la cession, au moins raisonnable après celle-ci".
Il ajoute que la journaliste "n'établit pas de lien de lien de causalité entre sa demande de
rupture de son contrat de travail et l'application de cette clause".
Saisie d'un recours contre cette décision, la Cour
d'appel de Nancy a, par un arrêt du 13 janvier 2017, infirmé le jugement de
première instance.
Elle relève qu'"il ressort des dispositions de
l'article L 7112-5 du code du travail que le journaliste professionnel qui
rompt son contrat de travail bénéficie d'une indemnité si cette rupture est
motivée notamment par la cession du journal ou du périodique dont il est
salarié.
Il ne résulte ni de ces
dispositions ni d'aucune autre disposition légale ou réglementaire que cette
faculté doit être exercée dans un délai déterminé.
Il ressort du dossier que, par
lettre du 28 octobre 2011, la SA L'Est
Républicain a informé ses salariés qu'elle avait fait l'objet d'une
opération d'acquisition le 14 octobre 2011 et qu'après consultation du comité
d'entreprise, elle ouvrait le bénéfice de la clause de cession aux salariés
désirant bénéficier des effets de cette clause jusqu'au 31 décembre 2011.
Le courrier établi le 15 juin 2014
par Mme Emmanuelle B. et adressé à la SA L'Est Républicain met en évidence que la salariée a informé son
employeur de sa volonté de mettre fin à son contrat de travail en bénéficiant
des dispositions de l'article L 7112- 5 du code du travail.
Mme Emmanuelle B. a donc expressément et de façon
non équivoque manifesté la volonté de bénéficier des dispositions relatives à
la clause de cession.
Le fait que la société ait indiqué aux salariés
une date limite pour manifester leur volonté de bénéficier de la clause de
cession n'a pas eu pour effet de les priver d'exercer cette faculté au delà de
cette date".
La
société est donc condamnée à verser à la journaliste l'indemnité de
licenciement qu'elle demandait.
Cette
décision, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation (cf. cette autre publication sur ce sujet), n'est pas critiquable en droit.
Il a
en effet déjà été souligné que le droit d'invoquer la clause de cession n'est
pas, par la loi, enfermé dans un délai particulier et qu'une décision de
l'employeur ne peut valablement contraindre les journalistes à prendre leur
décision dans le délai qu'il a déterminé (en l'espèce de 2 mois et demi).
Les
juges n'ont dès lors pas la faculté d'apprécier si cette décision a été
notifiée dans dans un "délai raisonnable" ou non, cette considération
étant inopérante.
La
journaliste pouvait donc, même 2 ans et 8 mois après la cession, encore
valablement invoquer ce droit et elle n'avait pas, contrairement à ce qu'a
retenu le Conseil de prud'hommes de Bar-le-Duc, à justifier du lien entre sa
décision d'invoquer la clause de cession et la cession elle-même.