jeudi 22 mai 2014

Pour prétendre au statut de journaliste professionnel, l'intéressé ne doit pas forcément tirer l'essentiel de ses ressources d'une même collaboration

Dans le cadre d'une procédure judiciaire, une société de presse contestait le statut de journaliste professionnel à l'un de ses anciens rédacteurs qu'elle avait payé à la pige au motif qu'il n'avait pas retiré de cette collaboration sa principale source de revenus, laquelle provenait de son statut de correspondant permanent d'une radio nationale.

Le but de cette société de presse était manifestement de priver cet ancien rédacteur de la présomption légale de salariat qui est attachée au statut de journaliste professionnel.

La cour d'appel de Douai, dans un arrêt du 30 novembre 2012, a retenu l'argument de cette société de presse et, pour refuser de reconnaître le statut de journaliste professionnel à ce journaliste payé à la pige, a jugé que "si le journaliste professionnel est libre de travailler dans une ou plusieurs entreprises de presse au sens des dispositions de l'article L 7111-3, encore faut il, pour que soit établie l'existence d'un contrat de travail, que l'intéressé tire l'essentiel de ses ressources des rémunérations versées par la publication à l'égard de laquelle il entend invoquer la présomption de salariat".

La cour d'appel de Douai a donc confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Lille qui avait débouté ce rédacteur de l'ensemble de ses demandes au motif qu'il n'était pas salarié.

Une telle jurisprudence était de nature à priver un journaliste du statut de journaliste professionnel au seul motif qu'il travaille pour plusieurs sociétés de presse ou agence de presse, dont aucune ne lui verse plus de la moitié de ses ressources.

Cette position conduisait également à retenir qu'un rédacteur payé à la pige par deux sociétés de presse pouvait prétendre au statut de journaliste professionnel dans le cadre de sa collaboration avec celle qui lui procure 51 % de ses ressources mais qu'il ne pouvait pas bénéficier de ce statut vis-à-vis de la seconde société au seul motif qu'elle ne lui verse que 49 % de ses ressources.

Selon l'article L7111-3 du Code du travail : "est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources".

A la lecture de cet texte, on comprend donc que, pour pouvoir prétendre au statut de journaliste professionnel, l'intéressé doit démontrer qu'il tire le principal de ses ressources de l'exercice de cette profession de journaliste et ce au titre de sa ou ses collaboration(s) avec "une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse".

Un pourvoi en cassation à l'encontre de la cour d'appel de Douai du 30 novembre 2012 a été formé.

Fort logiquement, par décision du 14 mai 2014, la Cour de cassation a, au visa de cet article L7111-3 du Code du travail, cassé l'arrêt de la cour d'appel de Douai.

Elle juge que "la qualité de journaliste professionnel s'acquiert au regard des ressources que l'intéressé tire principalement de l'exercice de la profession de journaliste sans se limiter à celles provenant de l'entreprise de presse, publication ou agence de presse à laquelle il collabore".

C'est donc bien en fonction de l'ensemble des ressources tirées de l'activité de journaliste - et non pas collaboration par collaboration - que doit être appréciée la condition relative aux ressources posée par l'article L7111-3 du Code du travail.

Cet arrêt de la Cour de cassation ne peut qu'être approuvé car la Cour d'appel de Douai avait manifestement ajouté à l'article L7111-3 du Code du travail une condition qu'il ne contient pas.

Dans ce même arrêt du 14 mai 2014, la Cour de cassation rappelle (ce qu'elle est contrainte de faire régulièrement) que "lorsqu'est établie l'activité principale, régulière et rétribuée du journaliste tirant le principal de ses ressources de cette activité, c'est à l'entreprise de presse de combattre la présomption d'existence d'un contrat de travail en résultant" et non pas au journaliste professionnel qui bénéfice de cette présomption légale de salariat d'apporter la preuve de l'existence d'un lien de subordination.

Il s'agit là de rappeler quelles sont les conséquences d'une présomption légale sur la charge de la preuve. C'est à celui qui veut renverser la présomption de salariat attaché au statut de journaliste professionnel d'apporter la preuve qu'il n'a pas été l'employeur de ce journaliste.