mardi 25 octobre 2011

La commission arbitrale des journalistes n'est pas compétente pour fixer l'indemnité de licenciement d'un non-journaliste

La Commission arbitrale des journalistes est seule compétente pour: 

  • fixer l'indemnité de licenciement des journalistes et assimilés ayant plus de 15 ans d'ancienneté ;
  • fixer l'indemnité de licenciement des journalistes ou assimilés, licenciés pour faute grave, quelques soient leurs anciennetés ;

Il s'agit d'une compétence stricte et toute autre demande formulée par un journaliste ou son ancien employeur, notamment quant à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail, relève de la compétence des tribunaux(cf. cette autre publication sur ce sujet).

Dans un arrêt du 12 octobre 2011, la Cour de cassation vient de préciser que la Commission arbitrale n'est pas non plus compétente pour fixer le montant de l'indemnité de licenciement d'un salarié qui avait plus de 15 ans d'ancienneté et qui relevait de la convention collective des journalistes mais qui n'était pas journaliste.

Le litige opposait un employeur, école de formation de journalistes, à son secrétaire général.

Cette école n'est pas une société de presse, son secrétaire général n'était pas journaliste mais il s'était vu appliquer la convention collective des journalistes.

De fait, un employeur peut parfaitement appliquer volontairement à ses salariés une convention collective dont ils ne relèvent normalement pas. Dans ce cas, les salariés peuvent toutefois toujours se prévaloir de la convention collective qui aurait dû leur être appliqué, en fonction notamment de l'activité réelle et principale de leur employeur.

Ce secrétaire général est licencié au bout de 31 ans d'ancienneté.

Il conteste son licenciement.

La Cour d'appel de Douai, relevant que l'employeur appliquait volontairement la convention collective des journalistiques à ce salarié lequel avait plus de 15 ans d'ancienneté, renvoie les parties devant la Commission arbitrale des journalistes pour faire fixer l'indemnité de licenciement.

Cette décision est cassée.

La Cour de cassation estime que l'application volontaire de la convention collective des journalistes au bénéfice d'un salarié qui n'exerce pas cette activité "n'a pas pour effet de soumettre le litige auquel donne lieu cette indemnité au pouvoir de la commission arbitrale des journalistes prévue par l'article L. 7112-4 du Code du travail".

Une telle solution est, d'un point de vue juridique, parfaitement logique.

L'application volontaire de la convention collective des journalistes à un salarié ne signifie pas qu'il devient de facto journaliste, la reconnaissance de ce statut professionnel supposant que d'autres conditions soient réunies (cf. cette autre publication sur ce sujet).

Il bénéficie certes des avantages de cette convention collective mais ne peut pour autant se prévaloir des règles légales applicables aux seuls journalistes et notamment celle fixée à l'article L7112-4 du Code du travail qui donne compétence à la commission arbitrale des journalistes pour fixer l'indemnité de licenciement d'un journaliste.

Restait dès lors à déterminer, dans ce cas, quel devait être le montant de l'indemnité dû à ce salarié.

Fallait-il appliquer les règles sur l'indemnité légale "ordinaire" de licenciement (1/5ème de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans et 1/3 de mois au-delà) ou celles, bien plus favorables, prévues pour les journalistes professionnels :

- par l'article L7112-3 du Code du travail qui dispose que "si l'employeur est à l'initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d'année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze" ;

et

- par l'article 44 de la convention collective des journalistes qui fixe simplement, en son dernier alinéa, la base de calcul de l'indemnité de licenciement en prévoyant notamment que, pour les journalistes professionnels employés à plein temps ou temps partiel cette base de référence est "le dernier salaire perçu" ;

La Cour de cassation juge, sur ce point, que "l'application volontaire de la convention collective des journalistes, au bénéfice d'un salarié qui n'exerce pas cette activité, ouvre droit au paiement de l'indemnité de licenciement déterminée par l'article L. 7112-3 du Code du travail, dont l'article 44 de ladite convention précise l'assiette".

Elle privilégie donc là l'application volontaire au salarié concerné, de la convention collective des journalistes sur la "non-application" des règles du Code du travail normalement réservées aux seuls journalistes professionnels.

Une solution différente aurait pu être retenu car l'assiette de l'indemnité de licenciement telle que déterminée par l'article 44 de la convention collective des journalistes n'est pas incompatible avec l'application des autres règles de droit commun sur le montant de l'indemnité de licenciement.

Quoi qu'il en soit, il revient donc maintenant, non pas à la Commission arbitrale des journalistes, mais à la Cour d'appel de renvoi (celle d'Amiens) de fixer l'indemnité de licenciement de ce salarié.

Elle aura en particulier à déterminer :

- si elle doit appliquer les seuls termes de L. 7112-3 du Code du travail auquel fait référence la Cour de cassation dans son arrêt et, dans ce cas, limiter comme le prévoit ce texte, à quinze le nombre de mensualités de l'indemnité de licenciement de ce salarié

ou

- si elle peut, malgré les termes de l'article L7112-4 du Code du travail donnant, en cas d'ancienneté supérieure à 15 ans, compétence exclusive à la Commission arbitrale pour déterminer le montant de l'indemnité, fixer une indemnité de licenciement supérieure à 15 mois ?

Affaire à suivre... (cf. commentaire ci-dessous).

Vianney FERAUD
Avocat au barreau de Paris